La responsabilité du travail dans l'épidémie de cancers demeure largement sous-estimée, masquée par les campagnes de prévention publique exclusivement centrées sur les comportements dits individuels (tabagisme, etc.). Selon les estimations du dernier plan cancer, 14 000 à 30 000 personnes seraient chaque année victimes d'un cancer lié à leur activité professionnelle. Pourtant, moins de 2 000 d'entre elles obtiennent la reconnaissance de leur pathologie en maladie professionnelle par l'Assurance maladie. En Seine-Saint-Denis, des chercheurs·ses s'engagent dans cette épopée administrative aux côtés de salarié·es contaminé·es ou de leurs proches. Faire reconnaître une pathologie en maladie professionnelle s'apparente à un parcours du combattant. Le droit à réparation apparaît très spécialisé, la procédure est complexe, les échanges avec les caisses primaires d'assurance maladie s'avèrent compliqués, sans compter la réticence des médecins à jouer le rôle que leur confie la loi, et notamment celui de rédiger les certificats médicaux nécessaires à l'accès au droit. La possibilité d'exercer son droit à réparation est enracinée dans l'histoire singulière et collective des conditions de travail et d'emploi des malades. Le Giscop93 fait figure de dispositif exemplaire permettant de documenter et de rendre visible l'impact de ces " poisons industriels " sur la santé des salarié·es, par l'alliance entre chercheurs·ses, médecins, juristes, syndicalistes. A travers cette question de la réparation, c'est celle de la valeur des vies au travail qui est posée.
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