L'alimentation et l'agriculture sont devenues des terrains d'affrontement idéologiques. Deux paradigmes entrent en conflit, chacun promouvant un certain type de savoir, un certain modèle économique et culturel, et bien sûr une certaine forme d'agriculture. Les deux prétendent nourrir la population de la planète, mais un seul nous permettra de survivre en préservant la nature et tous ses habitants. Commençons par poser une question simple : qui nourrit l'humanité ? 70 % des aliments que nous consommons proviennent des petits exploitants, qui travaillent sur des parcelles de taille modeste. Le paradigme dominant de la pensée industrielle et mécanisée a abouti à l'effondrement de nos systèmes alimentaires et agricoles. Mais il en existe un autre, soucieux d'assurer la continuité avec des traditions anciennes, en harmonie avec la nature. Il est gouverné par la "loi de la réciprocité", selon laquelle tous les êtres vivants prennent autant qu'ils donnent. Cette théorie écologique de l'agriculture, fondée sur le vivant et les liens qui le constituent, s'intéresse en premier lieu à la terre et aux petits producteurs, notamment aux productrices. Un tel modèle met l'accent sur la compassion à laquelle ont droit tous les êtres et garantit à chacun sa part de nourriture. Dans ce cadre, l'agroécologie a sa place : en revitalisant l'économie de la nature, elle produit de la nourriture de meilleure qualité en abondance et préserve la santé et le bien-être des communautés. Prendre soin de la Terre et nourrir ses populations sont en effet indissociables.
Par
Vandana Shiva, Amanda Prat-Giral Chez
Actes Sud Editions
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