Terre de mélanges culturels et de politiques coloniales, la Tunisie a attiré de l'Europe des courants d'immigrations aussi bien que des visées impérialistes. La trajectoire des Juifs italiens, dits Livournais, s'inscrit au carrefour de ces axes. Une communauté enracinée en Tunisie depuis le XVIIe, mais toujours assimilée au monde européen. Une population cosmopolite, mais jalousement attachée à Livourne et à l'Italie. Une double minorité, à l'égard tant de la nombreuse population juive locale que des cent mille émigrés italiens vivant en Tunisie au début du XXe siècle : mais toujours caractérisée par une forte identité collective. Pendant l'entre-deux-guerres, la place sociale de cette communauté fut remise en cause par une série de phénomènes convergents : l'essor du nationalisme tunisien, les tensions diplomatiques italo-françaises, et surtout par la montée au pouvoir du régime fasciste, résolu à encadrer les communautés d'émigration dans sa politique impériale. Sur la base de fonds d'archive et de témoignages inédits, ce travail reconstruit le parcours des Juifs italiens de Tunisie face aux stratégies de fascisation de Rome, en interrogeant les croisements identitaires dans les contextes d'émigration, la question de l'adhésion de masse au totalitarisme, et le poids des médiateurs au sein des sociétés coloniales.
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