Grâce à l'Histoire, on se souvient qu'il fut bien difficile, pour les écrivains ayant connu la guerre, de reprendre l'écriture. Le mot ne semblait plus indispensable ; la beauté était trop lointaine. Lorsque la vie se fragilise et s'épuise avec l'âge, lorsque l'écart social se creuse et le corps s'alourdit, l'écriture rencontre une incertitude presque semblable, elle change en tout cas de nature. Chinant des mots qui traînent encore dans la rue et sur les pavés de sa mémoire, Jean-Michel Labadie en accepte l'aventure. Lorsque l'espace se réduit et le corps ralentit, il découvre que l'imagination, elle, peut alors se précipiter et s'affoler, que les sentiments pris de court échappent à toute mesure, au risque de la confusion. Surgissent alors des tableaux, des récits brefs, éclatés ; les rares personnages y sont anonymes, l'intrigue s'enfuit souvent, pendant que la fiction se faufile entre ambivalences, emmêlements et retournements. L'écriture d'un certain âge n'apprend ni ne se vend, elle éclabousse plutôt notre apparente lucidité d'une absence qui ne cesse d'approcher.
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