On ne se souvient pas toujours des rêves. Pour saisir un rêve au vol, il faut être réveillé assez brusquement et y porter une vive attention, car rien ne s'efface plus vite que le souvenir d'un rêve. En général, c'est l'affaire d'une seconde ou deux, et si on ne le fixe immédiatement, il s'évanouit... comme un songe. Un grand nombre d'auteurs assurent qu'on ne rêve que le matin, avant de se réveiller, ou le soir en s'endormant. C'est là une erreur. Il suffit de se réveiller ou de réveiller quelqu'un à une heure quelconque de la nuit pour constater que l'on rêve toujours, ou presque toujours. Mais on ne se souvient pas toujours ; on ne se souvient même pas souvent, de même que, d'ailleurs, nous ne nous souvenons pas des trois quarts des pensées qui ont traversé notre cerveau pendant le jour. En général, on rêve aux choses dont on s'occupe et aux personnes que l'on connaît. Cependant, il y a des exceptions bizarres, et les pensées les plus intenses du jour n'ont parfois aucun retentissement durant le sommeil suivant. Les attitudes du sommeil tendent à un équilibre passif. Toutes les activités sensorielles s'obscurcissent par degrés et l'oubli du monde extérieur arrive par transitions insensibles, comme si l'âme se retirait lentement vers ses derniers refuges. Les paupières se ferment et l'oeil s'endort le premier. Le toucher perd ses facultés de perception et s'endort ensuite. L'odorat s'assoupit à son tour. L'oreille reste la dernière, sentinelle vigilante, pour nous avertir en cas de danger, mais elle finit aussi par s'assoupir. Alors le sommeil est complet et le monde des rêves s'ouvre devant la pensée avec sa diversité indéfinie.
Par
Camille Flammarion Chez
Books on Demand Editions
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