#Bande dessinée jeunesse

Un détective très très très spécial

Romain Puértolas

J'ai un chromosome de trop, comme cette pièce de trop qu'il nous reste dans les mains quand on a monté une armoire IKEA et dont on ne sait que faire. Moi, j'ai trouvé quoi en faire...

Par Romain Puértolas
Chez La joie de lire

0 Réactions |

Genre

12 ans et +

Les porte-clefs chinois les plus français du monde (et vice versa)

Je me demande si les touristes chinois qui viennent visiter Paris sont conscients qu’ils achètent en réalité des souvenirs fabriqués chez eux.

Chaque fois que je les vois descendre en vitesse de leur bus et se presser dans mon magasin comme autant de fourmis frénétiques, j’ai envie de leur arracher des mains les tours Eiffel miniatures qu’ils ont piochées dans mes petits paniers et leur montrer l’inscription Made in China que l’on n’a même pas cherché à cacher dans l’anneau des porte-clefs.

Au lieu de ça, je les encaisse avec un grand sourire. Je leur glisse même, quand je suis en forme, les deux, trois mots basiques de mandarin que j’ai appris en regardant les films de Jackie Chan. Ni Hao ! Xiéxié !

Après tout, mon patron n’apprécierait sûrement pas que je me mette à dos des clients, et puis je doute sérieusement que je puisse les dissuader d’acquérir ces fabuleux trésors en fer blanc pour lesquels certains ont parcouru plus de dix mille kilomètres.

Ici, à Montmartre, on vend du rêve qui ne revient pas cher. L’os du confit de canard est scié, ce qui signifie qu’il est industriel, les cuisses de grenouille proviennent de grenouilles à six pattes que l’on élève spécialement pour la restauration, et les desserts faits maison griffonnés à la craie blanche sur l’ardoise des crêperies font l’objet d’arrivages quotidiens dans de grosses boîtes de vingt-quatre portions congelées. Ils sont faits dans une maison, en effet, une grosse maison que l’on appelle usine.

En fait, c’est un joli quartier en trompe-l’œil, construit en carton-pâte puis peint en rose, un peu comme Disneyland qui se situe à quarante kilomètres à vol de Buzz l’éclair d’ici.

Dans notre domaine, la vente de souvenirs, on est pas mal non plus. Les tableaux d’œuvres originales sont des reproductions digitales faites à grands tirages, les tee-shirts peints à la main sont imprimés au fer à repasser par des Vietnamiens du XIIIe arrondissement qui, effectivement, ont des mains, et les bérets typiquement parisiens sont acheminés par avion depuis un pays dont je ne me rappelle plus le nom mais qui finit par -stan.

Bref, lorsque je vois à quel point il est facile d’entourlouper un touriste ici, je me demande parfois lequel des deux est le plus retardé mentalement, si c’est lui ou moi.

En parlant de retard, Rachid, mon patron, se fait encore attendre, ce qui me pose un sérieux dilemme. Je ne peux pas partir et laisser le magasin en plan, sans surveillance, avant qu’il ne soit arrivé, et d’un autre côté, je ne peux pas l’attendre éternellement non plus car je dois prendre mon tour à mon autre travail. Si mon patron faisait un peu plus attention aux conséquences de ses actions, la Terre tournerait bien plus rond. Mais voilà, il ne pense qu’à sa petite vie et il sait que je suis bien trop professionnel pour fermer le magasin et m’en aller alors que les touristes se pressent à nos portes. Ce qui l’arrange et il n’hésite pas à en abuser.

Commenter ce livre

 

21/09/2017 137 pages 15,90 €
Scannez le code barre 9782889083800
9782889083800
© Notice établie par ORB
plus d'informations