#Roman francophone

Sylvie

François Tacot, Gérard Nerval, Gérard de Nerval, Christine Girodias-Majeune, Benjamin Strickler

La vie de Gérard de Nerval est marquée par l'irrationnel, le rêve, la maladie, le voyage mais aussi, paradoxalement, par l'ancrage dans la réalité d'un terroir qu'il chérit tout particulièrement. Pour lui, notre monde interagit avec un au-delà qui influe sur notre destinée et gouverne nos existences. Dès lors, comment aimer Sylvie, la femme réelle, quand la femme rêvée, précieuse parce qu'insaisissable, lui dispute cet amour ? Là réside tout l'enjeu de la lecture de Sylvie. Les atouts d'une oeuvre commentée avec, en plus, tous les repères pour les élèves : Des rabats panoramiques avec : une autre oeuvre d'art en grand format, une frise historique et culturelle inédite. Des éléments d'histoire des arts ; Des notes de vocabulaire adaptées ; Des rubriques outils de la langue pratiques ; Des encadrés méthode efficaces ; Un lexique.

Par François Tacot, Gérard Nerval, Gérard de Nerval, Christine Girodias-Majeune, Benjamin Strickler
Chez Magnard

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Magnard

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PRÉFACE*

 

 

La Sylvie de Nerval est un être de fiction, mais plus qu’une héroïne de roman, c’est une créature poétique, à l’image de ces femmes qui furent les muses ou les amantes des poètes classiques, et dont on ne sait jamais bien si ce sont des fantômes, des fantasmes ou des êtres de chair. À l’imitation de Dante avec Béatrice, de Pétrarque avec Laure, on rime avec ardeur à partir d’un nom de femme, qui finit par avoir un semblant de réalité, à moins qu’on ne dissimule un amour réel sous les voiles de la fiction. Or Nerval connaissait bien ces poètes du XVIe ou du début XVIIe, puisqu’il a contribué à les sortir de l’oubli.

Le prénom de Sylvie apparaît une première fois dans « Angélique », sous la forme d’une allusion à la Sylvie de Théophile de Viau, et à la forêt de Chantilly. Adrienne est déjà présente elle aussi (« une très belle fille blonde parut avec une robe blanche, une coiffure de perles, une auréole et une épée dorée… »), mais elle s’appelle Delphine, et bien que Nerval se promette de ne jamais oublier son prénom, elle prêtera son apparence, ainsi que le nimbe de carton doré de son costume, à la plus énigmatique et la plus troublante des filles du feu, qu’il nomme alors Adrienne. Car pour être fidèle à sa propre mémoire, Nerval en observe les métamorphoses, les déplacements, et même ce qu’il nomme des « illusions », c’est-à-dire les apparitions ressemblantes, les figures qui reviennent… On passe ainsi sans peine du théâtre aux forêts du Valois, des feux de la rampe aux clartés lunaires, dans « Sylvie » qui nous mène au cœur de la géographie nervalienne, et de son univers mental : des noms de villages et des noms de jeunes filles en fleurs (la fête du bouquet est une anticipation de l’univers proustien), des rondes et des déguisements, une initiation amoureuse et un faux mariage, des chansons populaires et de vieilles légendes font resurgir le passé, non pas tel qu’il fut, mais tel qu’on le rêve. Car ce qui est neuf chez Nerval, c’est que dans son récit la résurrection du souvenir est aussi importante que le souvenir lui-même : dans la calèche qui le mène de nuit vers les lieux de son enfance, les montées, les descentes, les cahots, les virages sont ceux d’une route qui mène vers le passé, et le cheminement est intérieur autant que la route est réelle.

C’est une image que poursuit Nerval, celle d’une actrice « belle comme le jour aux feux de la rampe qui l’éclairait d’en bas, pâle comme la nuit, quand la rampe baissée la laissait éclairée d’en haut sous les rayons du lustre » (et la Berma dans la Recherche est éclairée de la même façon, elle qui joue « d’une part une pièce éblouissante et fière, de l’autre une pièce douce et veloutée », allusion aux Diamants de la couronne et au Domino noir, les deux pièces qu’elle joue en alternance). Mais grâce aux « bizarres combinaisons du songe », cette image s’efface au profit d’une autre, surgie de profondeurs qu’on appellerait aujourd’hui l’inconscient, et que Nerval est le premier à décrire avec autant de précision. Sous la figure éblouissante mais inaccessible de l’actrice il reconnaît un « souvenir à demi rêvé », et c’est vers une autre image qu’il décide soudain de se transporter : celle d’Adrienne et des « longs anneaux roulés de ses cheveux d’or », entrevue sous la lune au cours d’une cérémonie sacrée, d’un mariage mystique empêchant à jamais le mariage réel : « On nous dit de nous embrasser, et la danse et le chœur tournaient plus vivement que jamais. » Dès lors Sylvie est délaissée, la douce réalité laissant la place à l’idéal sublime, à l’apparition fugace qui ne reviendra jamais, et dont le souvenir est tout entier dans la voix. Adrienne est devenue religieuse, Sylvie épousera le grand frisé, il ne reste plus à Nerval qu’à poursuivre en vain son actrice, dont il nous apprend alors qu’elle s’appelle Aurélie.

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Sylvie

Gérard Nerval, Gérard de Nerval

Paru le 21/06/2022

109 pages

Magnard

2,95 €