#Roman francophone

Les désordres imaginaires ou La destruction du pays par le jeune président à la mode

Mariette Navarro, Samuel Gallet

Un texte-gigogne autour de la surveillance des citoyens (et des artistes en particulier), des injonctions qui leur sont faites. Il y sera question de censure, d'auto-censure, de la difficulté de monter un projet collectif, d'émergence, de performance, de prudence, de confiance, d'un Président qui gouverne en s'immisçant dans l'imaginaire de la population, de caméras dans les arbres, de surveillants infiltrés, d'une rumeur persistante et d'une foule que personne ne comprend et dont personne ne sait quoi faire. Et d'un mystérieux document intitulé La destruction du pays par le jeune Président à la mode.

Par Mariette Navarro, Samuel Gallet
Chez Quartett

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Editeur

Quartett

Prologue

LA RUMEUR :
Au départ c'est un chuchotement dans une rue. Quelqu'un saisit une phrase et ne peut s'empêcher de la répéter. Et c'est parti. / Au départ c'est un chuchotement à la radio, on croit que ce sont les ondes qui se brouillent et puis on saisit très distinctement le début d'un alexandrin. / Ça commence par quelques mots griffonnés sur un ticket de métro. Le ticket tombe, quelqu'un le ramasse, et c'est comme ça que ça se met à circuler. / C'est très court. Quelques mots. Mais choisis de telle façon dans le vocabulaire qu'ils font l'effet d'un coup de tonnerre. / Il paraît que ça ne fait que commencer. / Il paraît que ça a circulé dix ans dans la plus grande indifférence, alors que maintenant… / On dit que c'est au niveau des sons que ça se passe. Un certain agencement des sons./ C'est sur les murs qu'on peut le voir. Dans certaines ruelles. Au bout de deux heures, ça s'efface. / C'est un signal lumineux qui persiste long- temps quand on ferme les yeux. / C'est un conte. Une légende pour aujourd'hui. On ne reconnaît personne, mais on reconnaît tout le monde. / Ce serait plutôt de l'ordre de l'algorithme. Une formule dissimulée sous une poésie pour enfants. / C'est une petite ritournelle. Une comptine. Mais obsédante, obsédante. / Il paraît que ça a été écrit par une femme. / Il paraît que c'est la nouvelle oeuvre d'un sculpteur déjà célèbre. / Un artiste a essayé d'en faire une adaptation vidéo. Mais ça n'a pas marché. / C'est un poème dans lequel chaque image produit des émotions contraires et violentes. / C'est un geste qui déplace tout. / C'est une post-post-post-vérité. Mais qui par hasard touche tout à fait juste. / C'est du Street Art, à la fois invisible et omniprésent. / Ça se transmet oralement. / C'est viral. / C'est une somme. L'aboutissement de plusieurs années de travail. / C'est un cri. Un long cri de rage. / En fait, c'est un texte antique qui a été remanié. Tous les trois siècles, il refait surface. / Pour le dire simplement, c'est un rap sans rimes, mais qui travaille sur des sons gutturaux qui font appel à nos pulsions les plus primitives. / C'est un manifeste anarchiste rédigé par des geeks et calibré pour passer entre les mailles du filet de Google. / C'est une chanson de geste qui reprend les codes médiévaux, mais avec une visée projective sur les trois cents prochaines années. / J'ai vu la vidéo. C'est dérangeant. Très dérangeant. / C'est une forme libre. C'est la forme la plus libre qui soit. Sauf que les scientifiques ont prouvé qu'il était impossible pour un esprit humain de concevoir une forme aussi libre. / C’est un ensemble confus de textes criminels et gratuits dont les auteurs ne possèdent pas le sens. / C'est animal, non ? Archaïque, et animal. / C'est une clameur qui réunit toutes les voix, sauf celles qui pensent le contraire. / C'est une bouteille à la mer retrouvée par miracle au milieu des déchets.

 


 

 

 

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Les désordres imaginaires ou La destruction du pays par le jeune président à la mode

Mariette Navarro

Paru le 01/12/2020

119 pages

Quartett

13,00 €