#Imaginaire

Le sang jamais n'oublie

Donatien Mary, Lucie Pierrat-Pajot

1899, Dans cette Cité-Etat indépendante où les bouchers constituent la caste forte d'un régime populiste, trois destins se croisent... Liberté, la mécanicienne hors pair, Care ne l'apprentie louchébem, et Nathanaël, l'orphelin au passé mystérieux. Tandis que de grandes se préparent pour célébrer le nouveau siècle l'ombre d'une société secrète vient planer sur la ville. Et si les Frères de Sang revenaient pour mettre leur terrible vengeance à exécution ?

Par Donatien Mary, Lucie Pierrat-Pajot
Chez Editions Gallimard

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Les bourgeois, les nobles, les aristocrates, les riches… peu importe le nom qu’on leur donne, cette catégorie de la population doit comprendre qu’il n’est plus possible de continuer à se comporter comme des parasites. Ils doivent se rendre compte que le chien n’a pas besoin de ses tiques pour vivre, bien au contraire. En revanche, il a besoin d’une meute. Nous posons donc l’ultimatum suivant : l’égalité et la fraternité entre tous, ou l’exil pour ceux qui refusent de s’adapter.

Gustave Fiori, 1872.

1899 – Cité-État de Larispem

 

Le duo se déplaçait dans les ombres de la ville. Deux silhouettes féminines, qui se glissaient derrière les murets et empruntaient des passages dérobés, couraient pour traverser la lumière d’un réverbère et se dissimulaient du mieux possible pour éviter les projecteurs des aérostats de la Garde. Elles passèrent au pas de course devant un mur où s’étalaient un portrait géant de la Présidente de Larispem et de son Premier Conseiller. Dans l’obscurité, leurs yeux peints semblaient observer les maraudeuses avec sévérité.

– On y est, chuchota la première.

C’était une adolescente athlétique dont la peau sombre et les vêtements noirs se fondaient dans la nuit. Seules les perles d’argent au bout de ses tresses brillaient de temps en temps quand elles captaient un peu de lumière. Elle désigna un portail rouillé, condamné par une chaîne ainsi que par la prolifération du lierre qui enserrait les gonds et les anciennes fioritures de fer forgé.

– C’est pas trop tôt, haleta la seconde silhouette, adolescente elle aussi, vêtue de la même façon que sa complice, mais nettement plus dodue. Comment tu comptes entrer ? ajouta-t-elle en essayant de reprendre son souffle.

– En passant par-dessus le portail.

– Mais je ne vais jamais pouvoir te suivre !

Sans lui répondre, la première prit appui sur le muret et se hissa souplement au-dessus de la grille. Il y eut un bruit léger lorsqu’elle retomba de l’autre côté.

– Allez, dépêche-toi, Liberté !

La seconde adolescente évalua la hauteur du mur et les risques de se briser le cou sur les pavés du trottoir en l’escaladant – élevés, sans doute, mais il était un peu tard pour renoncer. Elle rassembla son courage et entreprit de suivre le même chemin que l’éclaireuse, en évitant de regarder en bas. Après quelques minutes laborieuses, elle parvint à basculer de l’autre côté et se réceptionna maladroitement dans les herbes folles d’une pelouse laissée à l’abandon.

Les deux maraudeuses se trouvaient dans un ancien jardin redevenu forêt : un tapis de feuilles mortes masquait le tracé des allées, et les haies, sauvages depuis bien longtemps, formaient d’épais murs végétaux. Une forme blanche fantomatique, une statue de femme décapitée, ouvrait les mains en direction des intruses.

– Il est sinistre, cet endroit, marmonna la fille qui s’appelait Liberté. C’est pas étonnant qu’on raconte qu’il est hanté.

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Le sang jamais n'oublie

Lucie Pierrat-Pajot

Paru le 08/04/2016

260 pages

Editions Gallimard

16,00 €