#Roman francophone

Robinson Crusoé

Daniel Defoe, Pétrus Borel, Jean-Pierre Naugrette

Après quelques premières expéditions, Robinson Crusoé, marin d'York, s'embarque pour la Guinée le 1er septembre 1659. Mais le bateau essuie une si forte tempête qu'il dérive pendant plusieurs jours et finalement fait naufrage au nord du Brésil. Seul survivant, Robinson parvient à gagner une île située au large de l'Orénoque où il va peu à peu s'assurer une subsistance convenable : il y restera près de vingt-huit ans, d'abord seul, puis accompagné d'un fidèle indigène qu'il baptise Vendredi. Inspiré de l'aventure réelle d'un marin écossais, le roman que Defoe fait paraître en 1719 connaît un succès foudroyant qui ne s'est plus démenti. Si James Joyce fera plus tard de Defoe le " père du roman anglais ", ce n'est pas seulement que l'auteur innove en prétendant offrir un authentique manuscrit retrouvé par l'éditeur. C'est aussi qu'il crée un héros différent : homme ordinaire qui raconte son histoire extraordinaire simplement, comme il l'a vécue, Robinson touche tous les lecteurs. Et cette histoire devient un mythe que d'innombrables écrivains s'attacheront à récrire.

Par Daniel Defoe, Pétrus Borel, Jean-Pierre Naugrette
Chez LGF/Le Livre de Poche

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Genre

Littérature anglo-saxonne

 

 

 

 

 

 

I

 

 

Je suis né en l’an 1632, dans la ville de York, au Nord de l’Angleterre. J’avais deux frères plus âgés que moi : l’aîné était lieutenant colonel dans un régiment d’infanterie britannique dans les Flandres, et fut tué durant la bataille de Dunkerque contre les Espagnols. Que devint l’autre ? Je ne l’ai jamais su, pas plus que mes parents ne connurent mon destin.

Étant le benjamin de la fratrie, je n’avais été élevé pour aucun métier en particulier, et ma tête se remplit donc dès mon plus jeune âge de pensées vagabondes : je voulais découvrir le monde. Mon père, qui était très âgé, m’avait enseigné autant de connaissances qu’il est possible d’en acquérir dans une petite ville de campagne, et il me destinait à devenir avocat ; mais je ne désirais que prendre la mer. Cette inclination était si puissante qu’elle me poussait à partir malgré la volonté de mon père et les craintes de ma mère, si bien qu’il semblait que ce soit mon destin de souffrir par ma faute.


Mon père, qui était un homme sage et grave, me donna d’excellents et sérieux arguments pour contrer mes projets. Il me fit venir un jour dans sa chambre et critiqua vivement mes intentions ; il me demanda ce qui, à part l’envie de vagabonder, pouvait bien me pousser à quitter la maison de mon père et mon pays natal, alors qu’il me serait facile d’améliorer ma situation en m’appliquant et en travaillant sérieusement, vivant ainsi une vie facile et plaisante. « Mon fils, me dit-il, seuls les hommes dont la situation est désespérée, ou bien ceux qui, au contraire, aspirent à un destin exceptionnel, partent à l’étranger chercher l’aventure hors des sentiers battus, pour s’enrichir et se rendre célèbres. Pourtant, ce n’est pas le succès qui peut apporter la sobriété, la tranquillité, la santé, la bonne compagnie et tous les plaisirs que l’on puisse désirer, mais plutôt un statut modeste comme le tien. »

Après cela, il me pria gravement et très affectueusement de ne pas jouer les jeunes hommes imprudents en me précipitant dans des chagrins que la nature et ma naissance pouvaient m’éviter, en me disant qu’il m’aiderait à obtenir tous les bienfaits qu’il m’avait promis. « Si tu me désobéis, tu seras malheureux, toutes sortes de tragédies s’abattront sur toi, et tu en seras le seul responsable. Pense à ton frère aîné, que j’ai essayé d’empêcher de partir combattre, mais qui ne m’a pas écouté et s’est engagé, pour finir par se faire tuer à la guerre. Quand plus personne ne sera là pour te sauver, toi aussi, tu regretteras de ne pas m’avoir écouté. »

J’essayai d’en parler à ma mère, mais elle ne fit que soupirer et alla tout raconter à mon père. Il lui répondit en soupirant de plus belle : « Ce garçon pourrait être heureux s’il restait chez nous, mais s’il prend la mer, il sera l’homme le plus malheureux qui ait jamais vécu ; je ne peux pas consentir à le laisser partir. »

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Robinson Crusoé

Daniel Defoe trad. Pétrus Borel, Jean-Pierre Naugrette

Paru le 25/11/2003

410 pages

LGF/Le Livre de Poche

6,20 €