#Roman francophone

Robinson Crusoé

Daniel Defoe, Ludivine Chataignon, Jacques Brécard

"Ce sauvage, grand garçon bien découplé, était parfaitement proportionné et son air mâle me parut dénué de férocité. Après avoir reposé pendant une demi-heure, il vint à moi en courant, et, se jetant à mes pieds avec gratitude, renouvela son serment de fidélité en posant mon pied sur sa tête. Je lui donnai le nom de Vendredi en mémoire du jour où je l'avais sauvé..." Robinson Crusoé, un jeune Anglais d'York, n'a qu'un désir : prendre le large. Mais, après un terrible naufrage dont il est le seul survivant, il se retrouve sur une île déserte. Il y restera 28 ans... Le premier des romans d'aventures et l'un des plus formidables du genre.

Par Daniel Defoe, Ludivine Chataignon, Jacques Brécard
Chez Hatier

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Editeur

Hatier

Genre

Collège

 

 

 

 

 

 

I

 

 

Je suis né en l’an 1632, dans la ville de York, au Nord de l’Angleterre. J’avais deux frères plus âgés que moi : l’aîné était lieutenant colonel dans un régiment d’infanterie britannique dans les Flandres, et fut tué durant la bataille de Dunkerque contre les Espagnols. Que devint l’autre ? Je ne l’ai jamais su, pas plus que mes parents ne connurent mon destin.

Étant le benjamin de la fratrie, je n’avais été élevé pour aucun métier en particulier, et ma tête se remplit donc dès mon plus jeune âge de pensées vagabondes : je voulais découvrir le monde. Mon père, qui était très âgé, m’avait enseigné autant de connaissances qu’il est possible d’en acquérir dans une petite ville de campagne, et il me destinait à devenir avocat ; mais je ne désirais que prendre la mer. Cette inclination était si puissante qu’elle me poussait à partir malgré la volonté de mon père et les craintes de ma mère, si bien qu’il semblait que ce soit mon destin de souffrir par ma faute.


Mon père, qui était un homme sage et grave, me donna d’excellents et sérieux arguments pour contrer mes projets. Il me fit venir un jour dans sa chambre et critiqua vivement mes intentions ; il me demanda ce qui, à part l’envie de vagabonder, pouvait bien me pousser à quitter la maison de mon père et mon pays natal, alors qu’il me serait facile d’améliorer ma situation en m’appliquant et en travaillant sérieusement, vivant ainsi une vie facile et plaisante. « Mon fils, me dit-il, seuls les hommes dont la situation est désespérée, ou bien ceux qui, au contraire, aspirent à un destin exceptionnel, partent à l’étranger chercher l’aventure hors des sentiers battus, pour s’enrichir et se rendre célèbres. Pourtant, ce n’est pas le succès qui peut apporter la sobriété, la tranquillité, la santé, la bonne compagnie et tous les plaisirs que l’on puisse désirer, mais plutôt un statut modeste comme le tien. »

Après cela, il me pria gravement et très affectueusement de ne pas jouer les jeunes hommes imprudents en me précipitant dans des chagrins que la nature et ma naissance pouvaient m’éviter, en me disant qu’il m’aiderait à obtenir tous les bienfaits qu’il m’avait promis. « Si tu me désobéis, tu seras malheureux, toutes sortes de tragédies s’abattront sur toi, et tu en seras le seul responsable. Pense à ton frère aîné, que j’ai essayé d’empêcher de partir combattre, mais qui ne m’a pas écouté et s’est engagé, pour finir par se faire tuer à la guerre. Quand plus personne ne sera là pour te sauver, toi aussi, tu regretteras de ne pas m’avoir écouté. »

J’essayai d’en parler à ma mère, mais elle ne fit que soupirer et alla tout raconter à mon père. Il lui répondit en soupirant de plus belle : « Ce garçon pourrait être heureux s’il restait chez nous, mais s’il prend la mer, il sera l’homme le plus malheureux qui ait jamais vécu ; je ne peux pas consentir à le laisser partir. »

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Robinson Crusoé

Daniel Defoe trad. Jacques Brécard

Paru le 12/04/2017

256 pages

Hatier

4,60 €