#Essais

Albert Cohen. Une poétique de la table

Claudine Nacache-Ruimi

Quels liens subtils rapprochent le personnel du cycle romanesque de Solal, la voix lyrique des monologues intérieurs, les instances narratives des essais et le discours épidictique dédié à Winston Churchill ? Question complexe a priori. Foisonnante, parfois débordante dans sa polyphonie, l’oeuvre de Cohen s’organise pourtant autour d’une ligne de force demeurée discrète jusqu’à présent, celle de la table. Constituant un réseau de signes qui affleurent dans les textes, le champ de la nourriture constitue un langage qui exprime des obsessions récurrentes. Poids des origines, héritage des traditions, comédie de l’amour sentimental, questionnements métaphysiques, tous les domaines s’évaluent à l’aune du comestible. Manger, c’est donner un sens à son existence. Mordre dans un chocolat, c’est goûter le présent et ses gourmandises, mais aussi renouer avec un passé inquiétant. De cet univers ambigu émerge cependant Mangeclous, le «vainqueur éternel». Conviant les Valeureux à partager maints festins plus ou moins transgressifs, le personnage excède les contours de la figure burlesque pour sublimer le prosaïque. C’est par son regard que surgit la vision d’un monde dont la quête est celle d’une sagesse à hauteur d’homme. Refusant les codes d’une bourgeoisie vaudevillesque, Mangeclous élève l’appétit au rang de vertu, prône avec ironie les mérites du mensonge et érige le plaisir de manger en règle de vie. Nouvel avatar des géants rabelaisiens, ce prophète comique ne s’épanouit que dans le paradoxe et l’amour des nourritures.

Par Claudine Nacache-Ruimi
Chez PU Rennes

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Editeur

PU Rennes

Genre

Critique littéraire

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24/09/2015 354 pages 21,00 €
Scannez le code barre 9782753541351
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