Les Chrysanthèmes roses, première analyse anthropologique de l'homosexualité masculine dans le Japon contemporain, basée sur une étude de terrain, propose une vision décapante, explicitement située hors des sentiers battus de la japonologie. Au Japon, l'homosexualité se trouve déconnectée de la réalité quotidienne habituelle, appartenant aux domaines de la fiction. L'aspect caricatural de son image médiatique peut rendre compte de la non-visibilité sociale des gays. La façon d'appréhender l'homosexualité masculine se décline selon un modèle à trois composantes. D'abord, une culture ancienne de comportements homoérotiques, sur laquelle se greffent discours et attitudes liés à l'homosexualité. Ensuite, une culture importée d'Occident au XIXe siècle, homophobe, qui rejette à la fois les comportements homoérotiques et l'identité gay, selon des arguments médico-légaux, voire moraux. Enfin, depuis les années 1970, une culture issue du mouvement de libération homosexuelle, boycottée par les médias. Les gays trônent au milieu, avec le placard, vers lequel les poussent médias, parents et mariage, et hors duquel les tirent activistes, mouvement de libération et droits humains. La structure sociale hétérocentrée et reproductiviste s'imposant en modèle, il s'avère difficile de créer des structures fédératrices, une marche des fiertés, des groupes de lobbys. On peut penser qu'il n'existe pas de réelle composante identitaire homosexuelle, au sens occidental, concrète et séparée d'une majorité hétérosexuelle. Le Japon se cherche une "3e voie" entre revendication occidentale et homoérotisme pré-meijien, avec moult compromis et doutes, le plus grand défi auquel font face les homosexuel(le)s japonais(es) actuellement.
Par
Erick Laurent, Pierre Fassin, Christian Galan, Emmanuel Lozerand Chez
Belles Lettres
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