#Essais

Voyage avec un âne dans les Cévennes

Robert Louis Stevenson

Un album pertinent et réaliste illustré de documents d'époque, qui éclaire d'un autre regard le récit de Stevenson... Une balade au coeur des Cévennes à la recherche du temps jadis.

Par Robert Louis Stevenson
Chez Editions De Borée

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Genre

Récits de voyage

PRÉSENTATION

 

Stevenson, son style et l’âne

 

 

Même parmi les bêtes, Jésus préfère celles qui s’éloignent le plus de la prudence du renard. Aussi choisit-il l’âne pour monture, quand il aurait pu, s’il l’avait voulu, cheminer sur le dos d’un lion.

Érasme, Éloge de la folie.

 

 

 

Chaque voyageur a son truc : Raymond Roussel se construit une immense voiture dans laquelle il entasse un chauffeur, des provisions de drogue et deux serviteurs qui regarderont les paysages à sa place. Ulrich Brunner, pérégrin de Palestine au XVe siècle, se munit d’un lit, d’un matelas, d’un coussin, de deux paires de draps et d’une couverture. Arthur Rimbaud utilise des semelles de vent et une ceinture gonflée de huit kilos d’or. Paul Morand préfère la Bugatti ou l’avion et Valery Larbaud mobilise un wagon de l’Orient-Express pour y serrer ses douze douzaines de caleçons et de mélancolies.

Robert Louis Stevenson, quand il se met en tête d’explorer les Cévennes en 1878, a aussi un truc. Ce truc est simple comme bonjour : c’est un âne, qu’il charge de toutes les reliques dont un Écossais touristique de la fin du XIXe siècle a le besoin, dans les sombres, désertes, froides montagnes du Gévaudan ou du Velay : un revolver, un réchaud à esprit de vin, un bonnet de fourrure à oreilles, un sac de couchage, une eau-de-vie, un litre de beaujolais et un fouet pour les œufs.

L’âne de Stevenson est une ânesse, une ânesse épatante. Elle est jolie, courageuse, grise comme une souris et à peine plus grosse. Le ciel s’est penché sur le berceau de cette bête. Comme elle n’a point de vanité, Stevenson l’appelle Modestine et, par une belle aube de début d’automne, à Monastier, en Haute-Loire, le couple appareille pour le bonheur.

On sait malheureusement ce qu’il en est des grandes amours : il advient qu’elles se fanent. Quelques heures de vie commune et l’ânesse est une démone. Stevenson se conduit en voyou : il cogne Modestine, la pique au sang, ne lui sourit jamais, prend en grippe sa façon de braire, la juge stupide, déteste le dessin de ses lèvres qu’il trouvait si élégantes d’abord, lui reproche de trébucher, n’admet pas que ses jambes grêles tremblent sous elle, bref, la liaison exquise devient horrible, puis acariâtre, enfin résignée.

Stevenson aggrave son cas par son inclination au remords. Il ne peut pas frapper Modestine sans être triste, sans invoquer le dieu des bêtes, l’amour des humbles créatures, etc. S’il sévit, il fait une « ignoble besogne ». Il ajoute : « Le bruit des coups que je lui administrais m’écœurait. » Et il est d’autant plus irrité que Modestine répond au mal par le bien. L’infinie résignation des ânes, la tristesse sans fond de leurs yeux poignent Stevenson, portent sa colère au rouge et multiplient ses remords.

Conscient de sa vilenie, Stevenson se dénigre en comparant ses méchantes manières à celles d’un autre écrivain anglais, le bon Laurence Sterne qui, un siècle plus tôt, eut maille à partir, lui aussi, avec un âne. Un jour, comme il traversait Lyon, Sterne était entré en conflit avec un baudet extrêmement insolent qui refusait de bouger car il s’employait à grignoter des feuilles de navet et de chou. Or, que fait Sterne ? Il contrôle ses nerfs.

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08/04/2021 176 pages 26,50 €
Scannez le code barre 9782812927164
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