En Afrique traditionnelle, le pouvoir était supposé accessible seulement à un nombre restreint d'hommes. Cette conception du pouvoir n'est pas une tradition résiduelle que le renouveau démocratique peut facilement évacuer. Par ailleurs, les relations personnelles, familiales, tribales et claniques sont implicitement présentes dans les représentations du pouvoir politique moderne en Afrique. L'expérience qui fonde la vie sociale africaine ne lie-t-elle pas de façon intrinsèque mystère et pouvoir, relations affectives et rapports d'autorité ? Ceux qui incarnent le pouvoir politique en Afrique sont comme des masques à plusieurs visages. Même le renouveau démocratique, par ses promotions clientélistes, ses luttes factionnelles, ses joutes électorales, ses délations permanentes, participe de cette dimension ambiguë du pouvoir. Par conséquent, le mystère qui masque le pouvoir ne relève pas d'une culture traditionnelle incontournable ; il n'échappe pas non plus à la critique des penseurs et politiques africains. La science politique contemporaine doit doter les Africains d'une terminologie adéquate, pour saisir le pouvoir dans son irréductible diversité, afin qu'on cesse de considérer son exercice comme un simple rapport de domination entre gouvernants et gouvernés.
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