#Roman francophone

L'ATTRAPE-COEURS

Jerome David Salinger

Issu d'une famille aisée à New York, Holden Caulfield intègre le pensionnat Pencey Prep en Pennsylvanie. Mais, quand il est viré à la fin du semestre car il a " foiré en quatre matières ", il s'en va plus tôt que prévu pour quelques jours d'aventure. C'est ainsi qu'on devient son partenaire et confident dans une aventure de délinquance innocente. Même s'il n'a pas envie de raconter " toutes ces conneries ", c'est exactement ce qu'il va faire - heureusement pour nous, puisqu'on découvre une histoire captivante, un portrait incontournable de l'Amérique de l'après-guerre et l'un des personnages les plus aimés de la littérature. Holden passe son temps entre taxis, boîtes de jazz et les étrangers d'un New York transi de froid de l'époque McCarthy. C'est une ville parfois éblouissante, parfois ahurissante, mais toujours frappante, dans laquelle Holden essaie de fuir les " ploucs " et trouver sa place à lui. Quand il décide de partir, seul Phoebe, sa petite soeur et peut-être sa seule amie depuis la mort de son petit frère, Allie, veut l'accompagner. Avec un humour féroce pince-sans-rire et une innocence désarmante, Holden a ému des millions de lecteurs à travers le monde. Après soixante ans, L'Attrape-coeurs, premier et unique roman de J. D. Salinger, tient toujours la forme. Pourquoi un tel succès ? Objet de réflexions sur la souffrance de l'adolescence, la transition de l'enfance à l'âge adulte et toutes les questions existentielles qui nous traversent durant cette période, le livre reste un rite de passage pour les jeunes de tous âges.

Par Jerome David Salinger
Chez Robert Laffont

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Genre

Littérature anglo-saxonne

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Chapitre 1 

Si vous voulez vraiment que je vous dise, alors sûrement la première chose que vous allez demander c’est où je suis né, et à quoi ça a ressemblé, ma saloperie d’enfance, et ce que faisaient mes parents avant de m’avoir, et toutes ces conneries à la David Copperfield, mais j’ai pas envie de raconter ça et tout. Primo, ce genre de trucs ça me rase et secundo mes parents ils auraient chacun une attaque, ou même deux chacun, si je me mettais à baratiner sur leur compte quelque chose d’un peu personnel. Pour ça ils sont susceptibles, spécialement mon père. Autrement ils seraient plutôt sympa et tout – d’accord – mais ils sont aussi fichument susceptibles. Et puis je ne vais pas vous défiler ma complète autobiographie. Je veux juste vous raconter ce truc dingue qui m’est arrivé l’année dernière vers la Noël avant que je sois pas mal esquinté et obligé de venir ici pour me retaper. Même à D.B. j’en ai pas dit plus, pourtant c’est mon frère et tout. Il est à Hollywood. C’est pas trop loin de cette foutue baraque et il vient me voir pratiquement chaque dimanche. C’est lui qui va me ramener chez nous quand je sortirai d’ici, peut-être le mois prochain. Maintenant qu’il a une Jaguar. Une de ces petites merveilles anglaises qui font du trois cents à l’heure. Et qui lui a sûrement coûté pas loin de trois briques. Il est plein aux as à présent. Ça le change. Avant, quand il était à la maison, c’était rien qu’un vrai écrivain. Il a écrit des nouvelles, ce bouquin terrible, La vie cachée d’un poisson rouge, au cas où vous sauriez pas. L’histoire la meilleure, justement, c’était La vie cachée d’un poisson rouge, il était question d’un petit gosse qui voulait laisser personne regarder son poisson rouge parce qu’il l’avait acheté tout seul, avec ses sous. Ça m’a tué. Maintenant D.B. il est à Hollywood, il se prostitue. S’il y a une chose dont j’ai horreur c’est bien le cinéma. Surtout qu’on m’en parle jamais. 

Là où je veux commencer c’est à mon dernier jour avant de quitter Pencey Prep. Pencey Prep est ce collège, à Agerstown, Pennsylvanie, vous devez connaître. En tout cas vous avez sûrement vu les placards publicitaires. Y en a dans un bon millier de magazines et toujours ça montre un type extra sur un pur-sang qui saute une haie. Comme si tout ce qu’on faisait à Pencey c’était de jouer au polo. Moi dans le secteur j’ai même jamais vu un canasson. Et en dessous de l’image du type à cheval y a toujours écrit : « Depuis 1888, nous travaillons à forger de splendides jeunes hommes à l’esprit ouvert. » Tu parles ! Ils forgent pas plus à Pencey que dans n’importe quelle autre école. Et j’y ai jamais connu personne qui soit splendide, l’esprit ouvert et tout. Peut-être deux gars. Et encore. C’est probable qu’ils étaient déjà comme ça en arrivant. 

Bon. On est donc le samedi du match de foot contre Saxon Hall. Le match contre Saxon Hall c’était censé être un truc de première importance, le dernier match de l’année et on était aussi censé se suicider, ou quelque chose comme ça, si notre cher collège était battu. Je me souviens que vers trois heures, ce foutu après-midi, j’étais allé me percher en haut de Thomsen Hill, juste à côté du vieux canon pourri qu’avait fait la guerre d’Indépendance et tout. De là on voyait le terrain en entier et on voyait les deux équipes qui se bagarraient dans tous les sens. On voyait pas fameusement la tribune mais on pouvait entendre les hurlements ; côté Pencey un bruit énorme et terrible puisque, pratiquement, toute l’école y était sauf moi, et côté Saxon Hall rien qu’une rumeur faiblarde et asthmatique, parce que l’équipe visiteuse c’était pas l’habitude qu’elle trimballe avec elle des masses de supporters. 

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trad. Annie Saumont
19/01/2016 246 pages 6,50 €
Scannez le code barre 9782221157480
9782221157480
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