#Roman francophone

La barbare

Katherine Pancol

Elle rêvait d'orages et d’absolu… À 21 ans, Anne est enfermée dans un mariage doré et gaspille ses journées dans des aventures sans passion. Tout l'afflige et l'ennuie. Ce serait donc ça la vie, une traversée en somnambule ? Un jour, un télégramme du Maroc lui annonce la mort de son père. Sa vie va basculer… elle ne sera plus jamais la même.

Par Katherine Pancol
Chez Points

0 Réactions |

Editeur

Points

Genre

Littérature française (poches)

 

 

 

 

 

 

Chapitre 1

 

 

Le télégramme disait : « Père décédé. Présence souhaitée. Tendresse. Serge Alsemberg. » Il était adressé à Anne Gilly, 43 rue Jean-Jaurès, Levallois-Perret. La concierge expliqua à l’employé des postes que la petite Gilly s’était mariée, qu’elle s’appelait Riolle et habitait au 74 de l’avenue Raymond-Poincaré.

Anne ouvrit la porte à un jeune garçon blond et essoufflé qui répétait : « Anne Riolle, c’est ici ? » Elle lui donna un franc et déchira l’enveloppe bleue.

Pas une larme ne lui vint. Elle resta un long moment assise sur la moquette blanche, les mains sur les genoux, essayant de se rappeler. Papa mort, papa Maroc, papa barbe-bleue et pom-pom-pom-pom... Rien d’autre. Elle pensa à téléphoner à sa mère ou à son mari pour leur demander ce qu’elle devait faire, puis elle se ravisa et décida d’agir toute seule. Elle télégraphia à Serge Alsemberg : « Arrive Casa mercredi 27 mars. Vol AT 751. 21 h 40.

Affection. Anne. » Puis elle appela son mari à son bureau. Il voulut demander quelques jours de congé pour l’accompagner, mais elle dit que ce n’était pas la peine. Il fut surpris de la sentir aussi déterminée et n’insista pas. Il demanda seulement où elle logerait, et elle répondit qu’elle irait vraisemblablement chez Serge Alsemberg, l’ami de son père, celui qui avait envoyé le télégramme.

– Tu vas rester longtemps ?

– Je ne sais pas... Le temps de m’occuper de ses affaires.

– Pourquoi n’a-t-il pas prévenu ta mère ?

– Tu sais bien que maman et papa n’étaient pas au mieux depuis leur divorce...

Alain hocha la tête et se mit à tripoter le presse-papiers posé devant lui. C’est un cerf en bronze, hideux. Ses ramures sont écaillées et ses sabots tachés d’encre noire.

– Tu pars quand ?

– Demain.

Avec sa mère, ce fut plus facile. La simple évocation des frais de voyage suffit à la dissuader d’accompagner sa fille. Elle voulut savoir quelques détails sur la mort de son ex-mari, mais Anne n’en connaissait aucun. Elle se montra vexée que le télégramme n’ait pas été envoyé à son nom. Après les recommandations d’usage – prends bien soin de toi et fais attention à ce que tu signes – elle raccrocha. Anne se dit que ce n’était pas si difficile de décider. Il suffit de faire le premier pas et le reste suit. Elle alluma une cigarette, s’étendit sur la moquette et se remit à penser à son père.

Plus tard, bien plus tard, elle devait se rappeler que c’était ce jour-là qu’elle avait commencé à exister : la main longue et fine de son père était venue la chercher pour l’emmener loin de ses apparences...

 

Quand Alain Riolle rentra chez lui vers dix-huit heures trente, comme tous les soirs, il fut surpris de trouver sa femme, les yeux secs, occupée à faire sa valise. Il se laissa tomber dans un fauteuil et la regarda aller et venir entre la penderie et la petite valise écossaise.

Alain a connu Anne à un bal de l’École polytechnique. Au premier regard, il avait compris que cette jeune fille aux cheveux blonds, à la frange un peu trop longue, aux épaules voûtées et au regard presque jaune, allait devenir quelqu’un d’important dans sa vie. S’il n’avait pas été aussi bien élevé, il se serait approché et lui aurait demandé : « Voulez-vous que nous ayons un enfant ? » Au lieu de cela, ils avaient valsé en silence et il avait souri en l’entendant compter ses pas...

Commenter ce livre

 

18/10/2012 231 pages 7,00 €
Scannez le code barre 9782757830932
9782757830932
© Notice établie par ORB
plus d'informations