De nos jours, alors que la promotion de l'humanité est saluée comme la valeur essentielle de la philosophie, la tragédie grecque, donc L'OEdipe-Roi de Sophocle, est souvent invoquée comme une source privilégiée. Mais, ne serait-ce pas un déni de vérité quand on invoque la réponse du connaissant OEdipe à la Sphinx dans cette oeuvre de l'Ancien Sophocle comme un unique a priori pour refonder la pensée ? Le texte et le contexte de cette tragédie ne disent-ils pas explicitement que cette réponse qui intronise ce roi-connaissant suffisant au trône de son père et qui le pousse à nouer une relation incestueuse avec sa mère, est dénoncée comme le crime originel contre l'humanité ? Et la question de la Sphinx qui mène à une telle réponse n'y est-elle pas dévoilée comme un chant perfide qui force l'homme de tous les temps à regarder en face le péril sous ses "yeux ouverts" et à laisser à côté la menace de sa mortalité, mortalité propre à l'homme, laquelle consiste dans l'ignorance et dans la perte de sa propre identité cachée et divine ? Ainsi, relire L'OEdipe-Roi de l'Ancien Sophocle en pensant la méconnaissance ou pis encore le rejet du message de cette tragédie au cours de la tradition de notre culture occidentale - une fois par Platon et Aristote au début de l'ère philosophique, une autre par différents courants de la philosophie aux Temps Modernes -, c'est repenser, en notre temps, le défi de la pensée tragique dont le message touche à l'essence et à la dignité de tout être humain.
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