#Polar

Les filles des autres

Amy Gentry

A 13 ans, Julie Whitaker a été kidnappée dans sa chambre au beau milieu de la nuit, sous les yeux de sa petite soeur. Dévastée, la famille a réussi à rester soudée, oscillant entre espoir, colère et détresse. Or, un soir, huit ans plus tard, voilà qu'une jeune femme pâle et amaigrie se présente à la porte : c'est Julie. Passé la surprise et l'émotion, tout le monde voudrait se réjouir et rattraper enfin le temps perdu. Mais Anna, la mère, est très vite assaillie de doutes. Aussi, lorsqu'un ex-inspecteur la contacte, elle se lance dans une tortueuse recherche de la vérité - n'osant s'avouer combien elle aimerait que cette jeune fille soit réellement la sienne…

Par Amy Gentry
Chez Robert Laffont

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Genre

Policiers

À Curtis,

le meilleur être humain vivant

 

Prologue

 

 

JANE SE RÉVEILLA ET MURMURA :

— Julie ?

Autour d’elle, la pièce n’était qu’un grand vide. Après deux années dans la nouvelle maison à dormir seule dans sa propre chambre, Jane ne rêvait plus que le ventilateur, au plafond, tombait sur son lit et la hachait menue. Les araignées avaient disparu elles aussi de l’obscurité ; à dix ans, on n’a plus besoin de faire contrôler tous les coins et recoins avant de se coucher. Pourtant, parfois, quand quelque chose la réveillait en pleine nuit, le silence autour d’elle souffrait de l’absence de la douce respiration de Julie. Dans l’ancienne maison, elle passait un pied par-dessus la rambarde de la mezzanine et poussait des gloussements jusqu’à ce que Julie lui lance : « Chut, Janie, rendors-toi. » Mais dans la nouvelle, cette nuit-là, elle s’empressa de fermer les paupières avant que son regard ne soit attiré par les zones d’ombre à la jonction des murs et du plafond.

Le bruit qui retentit venait de la chambre de Julie. Aucun doute possible.

Jane repoussa les draps et posa ses pieds nus sur la moquette. Dans la maison d’avant, il y avait un tapis tressé qui dérapait sur le parquet lustré chaque fois qu’elle descendait du lit. Dans la nouvelle, cette nuit-là, la moquette épaisse étouffa presque entièrement le bruit de ses pieds tandis qu’elle marchait à pas feutrés vers la porte et jetait un coup d’œil dans la pénombre du couloir. Tout au bout se découpait un vague rectangle d’obscurité plus claire : une porte fermée.

Elles dormaient rarement porte close ; il faisait trop chaud dans la chambre de Janie, trop froid dans celle de Julie. Maman se plaignait de la mauvaise circulation de l’air dans les maisons à étage, mais, en bas, au rez-de-chaussée, la chambre de maman et papa était toujours fermée la nuit, parce que c’étaient des adultes. Et maintenant Julie aussi en était une, ou du moins désirait l’être. Depuis son treizième anniversaire, elle donnait l’impression d’être constamment en train de s’exercer à la vie adulte, se brossant les cheveux, lentement, devant le miroir de la salle de bains, comme si elle répétait une pièce de théâtre secrète, s’asseyant à son bureau pour écrire dans son journal intime au lieu de se jeter sur son lit, la tête la première, à la manière de Jane. Et fermant la porte de sa chambre.

Au fond du couloir, le pâle rectangle frémit ; sur l’un des côtés une fente ténébreuse s’ouvrit. La porte de la chambre de Julie s’enfonça vers l’intérieur ; quatre doigts épais étaient agrippés au rebord du battant.

Sans prendre le temps de réfléchir, Jane se réfugia au fond de sa penderie, s’accroupit et referma tout derrière elle. Ces doigts… ils étaient apparus trop haut sur la porte pour être ceux de Julie, et trop épais pour être ceux de sa mère. Ce n’étaient pas non plus ceux de son père ; sans savoir pourquoi, elle en était sûre et c’était ça le plus troublant.

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trad. Simon Baril
19/01/2017 325 pages 19,50 €
Scannez le code barre 9782221197844
9782221197844
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