Mon nom est Mike Hammer

SPILLANE : MODE D’EMPLOI

1.   Raisons d’un triomphe

En 1947  l’Amérique se repose. Un repos bien mérité, menacé tout de même par la guerre froide qui, si l’on peut dire, s’échauffe.

Est-elle inquiète, cette Amérique qui déploie sa puissance sur toute la surface du globe ? Plus encore qu’en 1918, elle est en tout cas à la recherche de certitudes.

Mickey Spillane et son héros Mike Hammer vont lui en apporter.

Le succès – jamais dépassé – de cet écrivain démontrera en effet la perfection d’une adéquation comme il s’en est rarement produit entre un auteur, son héros et l’esprit de l’époque.

En 1947 paraît J’aurai ta peau (« I the Jury »). C’est plus qu’un succès : les ventes du livre vont dépasser six millions d’exemplaires !

Six titres vont suivre jusqu’en 19 521, ils connaîtront un sort comparable, et Spillane, sur cette « distance », ne sera jamais égalé : d’autres millionnaires du livre ont fait leur apparition en quarante années sur les listes de best-sellers, aucun n’a pu ni su comme lui atteindre le million sept fois de suite. On a pu dire qu’« il fut à lui-même son seul concurrent ».

2.   Histoire d’un créateur

Millionnaire en exemplaires vendus et en dollars, Spillane va effectuer en 1952 une conversion aussi spectaculaire que sa réussite : en devenant Témoin de Jéhovah.

L’énigme cette fois est presque plus difficile à résoudre que l’explication de son triomphe : rien ne paraissait disposer un auteur pris comme synonyme de violence et de sexualité débridées à entrer dans les voies du Seigneur.

Né à Brooklyn en 1918, Spillane avait passé son enfance dans les quartiers pauvres d’une petite ville du New Jersey : Elizabeth. Pendant ses études, il tente de vivre de sa plume. Plutôt mal en collaborant aux magazines B.C.B.G. qui fleurissent dans les années 1930 ; un peu mieux en s’orientant vers cette jungle des « pulps » jadis évoquée par Frank Gruber. Le voici donc collaborateur de Captain Marvel, Captain America. Survient la guerre : le père du futur Mike Hammer se retrouve entraîneur de pilotes et participe lui-même aux combats dans l’U.S. Air Force. L’immédiate après-guerre le voit rempiler… chez Barnum and Ringling – comme acrobate ! Entre deux scénarios de bandes dessinées, il travaille pour le F.B.I. et gardera de cette expérience sur le tas les cicatrices dues à deux blessures par balle et une au couteau.

3.   Avatars d’une créature

Nanti d’un tel géniteur, Mike Hammer ne pouvait être qu’un tough guy, un dur à cuire. Il en est même l’archétype. Comme il l’annonce lors de sa première apparition, il est à la fois « le jury, le juge et tout le tribunal… et aussi le bourreau ».

La chute du roman où la ravissante Charlotte reçoit la balle de. 45 que vient de lui expédier notre privé (qui est aussi l’amant de la belle) demeure dans toutes les mémoires. A la dernière question « Comment… as-tu… pu ? » posée par la moribonde, Hammer répond : « Ç’a été très facile. »