#Essais

Atlas des inégalités. Les Français face à la crise

Hervé Le Bras

Plus de 120 cartes et infographies pour dresser l'état des inégalités en France. Densité démographique, mortalité, fécondité : un portrait de la population française. Les territoires de l'inégalité : chômage, éducation, revenus. Les facteurs déterminants de l'exclusion. La géographie du vote : l'expression politique d'un désarroi. Les cartes inédites soulignent crûment les différences de patrimoine, d'éducation, de réseau de relations, de sexe, de mentalité, qui fabriquent l'inégalité des chances et des revenus. Un ouvrage essentiel pour comprendre la France contemporaine et envisager les moyens de son redressement.

Par Hervé Le Bras

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Introduction

 

L’enchevêtrement des inégalités

 

 

L’inégalité, qui est une donnée de la nature, précède l’égalité, qui est une volonté d’ordre politique et social. Pour cette raison, l’inégalité a trouvé de nombreuses justifications. Trois d’entre elles méritent l’examen et la critique : celle, naturaliste, de Margaret Thatcher ; celle, économique, des libéraux et celle, philosophique, de John Rawls.

Margaret Thatcher déclara en 1970 : « Si nous donnons de la valeur aux individus, ce n’est pas parce qu’ils sont tous pareils, mais parce qu’ils sont tous différents… Nous devons bâtir une société dans laquelle chaque citoyen sera à même de développer tout son potentiel, à la fois pour son propre bénéfice et pour celui de l’ensemble de la communauté. » L’inégalité des conditions refléterait alors l’inégalité des dons. Le rôle de l’État serait de laisser les dons s’épanouir en pratiquant l’égalité des chances. C’est une partie du programme de la méritocratie dont la France est l’un des plus fervents adeptes. Il est peu probable que les dons innés aient beaucoup évolué au cours des cinquante dernières années. Or, les inégalités se sont creusées dans des proportions énormes, sans commune mesure avec un changement de répartition des dons naturels. En 1960, le salaire moyen du dirigeant d’une grande entreprise américaine était 12 fois supérieur au salaire moyen d’un de ses ouvriers. En 1974, il était 36 fois supérieur et en 2000, 531 fois. La vision élitiste de Thatcher ne rend absolument pas compte de la réalité.

La seconde version vient des théoriciens de l’économie libérale. L’inégalité des revenus résulte de l’inégalité de la réussite. Les grands industriels sont récompensés parce qu’ils ont procuré de l’emploi en ouvrant de nouvelles fabriques et qu’ils ont augmenté la richesse nationale avec leurs nouveaux produits. Leur rétribution élevée récompense leur réussite, qui a profité à tous et stimule l’énergie de ceux qui veulent réussir. Si cette belle histoire était vraie, les salaires des dirigeants seraient proportionnés à la réussite de leurs entreprises. Or, à titre d’exemple, il n’y a aucune corrélation entre l’augmentation des salaires des dirigeants du CAC 40 et l’augmentation des bénéfices de leur entreprise, comme on l’a montré. En outre, depuis la crise de 2008, cinglant démenti à l’idéologie libérale, les revenus des grands patrons ont continué d’augmenter.

La troisième version a été proposée par John Rawls dans sa célèbre Théorie de la justice. Il y affirme que l’on doit préférer non pas la configuration sociale la plus égalitaire, mais celle dans laquelle le plus pauvre est le mieux loti. Ainsi, un état social dans lequel le plus riche gagne 1 million et le plus pauvre 1 000 sera préférable à un état social dans lequel tous touchent 500. Ce raisonnement séduisant omet cependant les conséquences de l’inégalité. À revenu égal, une plus grande inégalité sera défavorable, comme l’ont montré Richard Wilkinson et Kate Pickett, pour des aspects aussi différents que la mortalité infantile, le nombre de prisonniers par habitant, le taux d’homicide, le degré de confiance envers les autres, etc.

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