#Polar

Lettre à mes tueurs

René Frégni

Marseille souffre sous la canicule. Pierre étouffe dans son appartement tout en se battant avec la page blanche de ce livre qu'il n'arrive pas à écrire. L'inspiration n'est plus là. Les doutes de Pierre pourtant, passent brutalement au second plan après qu'un ami d'enfance, devenu une figure du grand banditisme, déboule dans son salon traqué par la police comme par le milieu. L'homme est blessé, lui donne une cassette et un numéro de téléphone avant de disparaître par les toits... Débute alors, pour l'écrivain en mal de fiction, une lutte sauvage pour sauver sa peau. La traque, à la mesure d'une ville passionnée, sera sans concessions...

Par René Frégni
Chez Editions Gallimard

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Genre

Policiers

 

 

 

 

Je cherchais depuis six mois la première phrase d'un nouveau roman lorsque quelqu'un frappa à la porte. Juillet et août avaient été si impitoyables que je me demandai si une seule personne avait eu le courage d'escalader les quatre étages pour déboucher, ruisselant, sous mes tuiles, ici, dans ce four.

Ruisselant je l'étais moi-même depuis des semaines, sous les trente-cinq degrés immuables de mon appartement. Malgré les dix douches quotidiennes mon cerveau s'était lui aussi mis à fondre, et je mentais à mon éditeur au téléphone en lui répétant que ça avançait. Pas le moindre premier mot d'un quelconque début d'histoire. Rien. Je n'avais plus rien à dire.

La canicule venait de balayer dix ou vingt mille vieillards. Certains d'entre eux attendaient encore dans les frigos que leurs enfants rentrent de vacances pour remplir les papiers.

Seule ma fille passait me voir deux ou trois fois par semaine et nous regardions la télé, bouche ouverte, en transpirant. Lorsqu'elle restait le soir je tirais le matelas sur la terrasse et nous suivions en silence les avions et les étoiles filantes.

On frappa de nouveau. Ça ne pouvait pas être Julie, elle entrait comme le vent et lançait : « Papa ! » J'enfilai un slip et ouvris la porte.

Je ne le reconnus pas tout de suite dans le contre-jour du couloir. Sa masse sombre s'écroula sur moi.

– Ferme vite..., gémit-il.

Malgré les années la voix de mon ami d'enfance n'avait pas beaucoup changé. Je faillis perdre l'équilibre.

– Charlie...

– Ferme à clé, ils arrivent !

Le soutenant d'un bras, je fis ce qu'il me demandait. Courbé, il tangua jusque dans le salon, sa main droite plaquée sur son épaule gauche. Sa chemise bleu ciel était noire de sang. Une sueur glacée inonda tout mon corps.

– J'ai pris un pruneau mais ça va aller. Donne-moi à boire.

Ses yeux flambaient comme deux silex dans un torrent.

J'avais reconnu sa voix mais ce visage défoncé de douleur était méconnaissable, durci, traqué, farouche.

– Allonge-toi, Charlie, j'appelle un toubib.

– Donne-moi de l'eau... J'ai peur que ce soit le poumon.

Je courus à la cuisine. C'est alors qu'on entendit de grands coups résonner contre les portes des étages inférieurs et des voix d'hommes qui hurlaient d'ouvrir.

Charlie bondit sur mes talons.

– Laisse tomber la flotte ! Je peux me tirer par les toits ?

– Pas dans cet état.

– Bouge-toi, ils montent !

On entendait une cavalcade dans la cage d'escalier. Les appels se rapprochaient.

Je le poussai sur la terrasse de derrière.

– Enjambe la balustrade et accroche-toi à l'antenne de télé scellée dans le mur, elle est solide. Ensuite laisse-toi glisser sur le toit, tu atterriras sur une autre terrasse. La rue est juste dessous, si tu l'atteins file sur ta droite, ils auront plus de mal à te coincer, c'est plein de ruelles.

Il tira de sa poche un petit objet qu'il me tendit.

– Planque ça, souffla-t-il, c'est une cassette numérique, il ne faut surtout pas qu'elle tombe entre leurs mains. Tu vois le résultat.

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06/07/2006 241 pages 8,20 €
Scannez le code barre 9782070305537
9782070305537
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