#Polar

Le chapeau de M. Briggs. Récit sensationnel du premier meurtre commis à bord d'un train anglais

Kate Colquhoun

Le 9 juillet 1864, un chapeau, une canne et un sac sont retrouvés sous le siège ensanglanté d'un compartiment de chemin de fer. Le corps du banquier auquel ils appartenaient gît entre les voies. Chargés d'élucider le premier meurtre jamais commis à bord d'un train en Angleterre, les célèbres détectives de Scotland Yard suivent la piste d'un jeune suspect Allemand très vite identifié. Ce dernier vient de s'embarquer pour New York, comme il l'avait décidé depuis longtemps. Ils devront traverser l'Atlantique pour trouver celui dont la vraie personnalité apparaît au fil des témoignages de ceux qui l'ont connu... Bijoutiers, chapeliers, cheminots, tailleurs, prostituées et cochers se succèdent pour tenter de reconstituer les événements, face à des juges dont le pouvoir n'aurait à craindre que celui de la presse. Sur fond de rivalité entre l'Angleterre et l'Allemagne, alors que sévit le débat sur la peine capitale, l'accusé parviendra-t-il à prouver son innocence ? Kate Colquhoun retrace à un rythme exalté une affaire de meurtre qui défraya la chronique. Inspiré d'un fait divers réel - le premier meurtre commis à bord d'un train anglais - ce livre met en scène des personnages qui ont réellement existé : Franz Müller, tailleur allemand établi près de Londres, les détectives (Richard Tanner et Frederick Williamson) et le chef de la police de Scotland Yard (Sir Richard Mayne), ainsi que divers témoins, dont un cocher (Jonathan Matthews), un bijoutier (John Death), un chapelier (Daniel Digance). Divisé en trois parties correspondant aux différentes phases de l'enquête (La City, la traversée jusqu'à New York et le retour en Angleterre pour le jugement au tribunal), l'histoire se déroule essentiellement à Londres, ville dont les descriptions sont parfois dignes des romans de Dickens. Au-delà du plaisir de lecture procuré par la progression de l'enquête et le suspense qui s'ensuit, Le chapeau de Mr Briggs documente et souligne l'émergence de débats dont les conséquences sont toujours perceptibles aujourd'hui : la question de savoir si les policiers et les juges cherchent à établir la vérité ou leur vérité : les personnages sont attachants malgré leurs failles. Les célèbres détectives, souvent décrits avec humour, brillent parfois moins par leur sagacité que par la manière dont ils tentent de faire coïncider les faits avec l'issue qu'ils envisagent : il leur faut un coupable, et les témoins susceptibles de disculper Franz Müller sont judicieusement écartés. Leur empressement à croire que Müller est l'assassin s'explique par le climat d'hostilité de l'Angleterre envers l'Allemagne, mais aussi du fait qu'ayant jadis parfois échoué à élucider certains meurtres, ils veulent rétablir leur réputation. le pouvoir de la presse et l'influence de l'opinion publique : les détectives doivent tenir compte d'une presse populaire en plein essor, par laquelle les citoyens expriment leurs doutes sur l'enquête, voire leur donnent des conseils. L'opinion publique, nourrie de romans à sensation, participe au débat. A travers les nombreux extraits de journaux de l'époque, le lecteur assiste également à un curieux revirement : la presse en viendra à exprimer occasionnellement la crainte qu'une erreur sur la personne du suspect n'ait été commise, tant la personnalité de l'accusé semble en contradiction avec celle d'un assassin. le récit captivant d'un grand procès : composé entre autres d'extraits de transcriptions authentiques clairement analysés, ce récit expose aussi les mécanismes par lesquels l'avocat de la Couronne manipule les jurés en réussissant à leur faire oublier des éléments à décharge incontestables. le débat sur la peine de mort : il est, lui aussi, richement analysé. Les arguments des abolitionnistes, convaincus de la barbarie d'une pratique qui ne dissuade personne, reposent aussi sur la croyance que la certitude du châtiment vaut plus que le châtiment lui-même. Les politiciens, quant à eux, redoutent les troubles à l'ordre public qu'entraînent les rassemblements autour de ce " spectacle ".

Par Kate Colquhoun
Chez Christian Bourgois Editeur

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Genre

Policiers

À ceux qui éclairent les zones d’ombre.

 

Ce qui débuta par un choc se transforma bientôt en nervosité, en peur, puis en doute déstabilisant. Entre l’étouffant mois de juillet et le glacial mois de novembre de l’année 1864, non seulement Londres, alors la plus grande ville du monde, mais une bonne partie de l’Europe et même de l’Amérique du Nord, furent galvanisées par les événements décrits dans les journaux de l’époque comme un « terrible drame de la vie réelle ».

Les détails de ce compte rendu sont extraits de documents originaux.

 

 

Prologue

Une voiture de chemin de fer déserte

 

Dans la soirée du 9 juillet 1864, Benjamin Ames, chef de train âgé de trente-huit ans, avait les nerfs à cran. Le train de 9 h 45 en provenance de la gare de Fenchurch Street, à Londres, et à destination de la banlieue de Chalk Farm avait déjà cinq minutes de retard et, dans la bousculade, il n’y avait pas le temps de verrouiller les portes des voitures entre les arrêts. Le conducteur du train faisait tourner sa locomotive à fond, jusqu’à atteindre des pointes de vingt-cinq miles à l’heure, et le chef de train Ames, espérant qu’ils récupéraient de précieuses minutes, notait consciencieusement l’heure exacte à laquelle ils avaient quitté chaque gare : Stepney à 9 h 55, Bow à 10 h 01 et Hackney Wick (également appelée Victoria Park) pile quatre minutes plus tard, à 10 h 05.

À 10 h 10, ils étaient entrés en gare de Hackney (juste à mi-chemin du parcours), mais alors qu’Ames se dépêchait de claquer les portes des voitures, il fut agacé d’entendre s’élever à l’avant du train un vacarme qui menaçait de faire capoter tous ses efforts pour que le véhicule soit de nouveau à l’heure. Harry Verez et Sydney Jones, tous deux employés de la banque Robarts, Curtis & Co., dans la City, criaient que quelque chose n’allait pas. Ces jeunes commis venaient de s’installer dans un compartiment vide de la plus éloignée des voitures de première classe, en bois de teck verni, lorsque Jones avait découvert du sang sur ses mains et l’arrière de son pantalon.

Comme pour la plupart des trains anglais de l’époque, chaque voiture en teck verni du North London Railway était divisée en plusieurs compartiments distincts et isolés. De part et d’autre, des portes généralement verrouillées avant le départ de chaque gare s’ouvraient sur le quai ou sur les voies, mais il n’existait aucun couloir ni ouverture leur permettant de communiquer entre eux. Une fois la machine en route, les passagers n’étaient pas en mesure d’appeler le conducteur, le chef de train ni les passagers de la même voiture qui voyageaient dans des compartiments voisins.

Chaque « pièce », semblable à un caisson, comprenait de chaque côté deux sièges séparés par un accoudoir, et était si étroite que les dames assises en vis-à-vis voyaient leurs jupes frotter l’une contre l’autre et jouaient avec les extrémités de leurs châles pour les empêcher de s’emmêler. Les coussins rembourrés des sièges étaient garnis d’étoffe bleue capitonnée avec des boutons et renforcés, à la base, d’épais cuir américain. Sur le plancher s’étendait un grossier tapis en fibre de coco, et des filets à bagages, faits de corde solidement nouée, se balançaient au-dessus des sièges. Chacune des fenêtres était barrée de robustes tiges de cuivre afin d’empêcher les passagers de se pencher à l’extérieur, et chacune était munie d’une lanière de cuir leur permettant de préserver leur équilibre des soubresauts du train. Une unique lampe à gaz noire de suie, suspendue au centre de la cloison en bois, émettait une lueur d’un jaune peu naturel.

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trad. Christine Laferrière
02/02/2012 464 pages 25,00 €
Scannez le code barre 9782267022865
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