Editeur
Genre
Policiers
À ceux qui éclairent les zones d’ombre.
Ce qui débuta par un choc se transforma bientôt en nervosité, en peur, puis en doute déstabilisant. Entre l’étouffant mois de juillet et le glacial mois de novembre de l’année 1864, non seulement Londres, alors la plus grande ville du monde, mais une bonne partie de l’Europe et même de l’Amérique du Nord, furent galvanisées par les événements décrits dans les journaux de l’époque comme un « terrible drame de la vie réelle ».
Les détails de ce compte rendu sont extraits de documents originaux.
Prologue
Une voiture de chemin de fer déserte
Dans la soirée du 9 juillet 1864, Benjamin Ames, chef de train âgé de trente-huit ans, avait les nerfs à cran. Le train de 9 h 45 en provenance de la gare de Fenchurch Street, à Londres, et à destination de la banlieue de Chalk Farm avait déjà cinq minutes de retard et, dans la bousculade, il n’y avait pas le temps de verrouiller les portes des voitures entre les arrêts. Le conducteur du train faisait tourner sa locomotive à fond, jusqu’à atteindre des pointes de vingt-cinq miles à l’heure, et le chef de train Ames, espérant qu’ils récupéraient de précieuses minutes, notait consciencieusement l’heure exacte à laquelle ils avaient quitté chaque gare : Stepney à 9 h 55, Bow à 10 h 01 et Hackney Wick (également appelée Victoria Park) pile quatre minutes plus tard, à 10 h 05.
À 10 h 10, ils étaient entrés en gare de Hackney (juste à mi-chemin du parcours), mais alors qu’Ames se dépêchait de claquer les portes des voitures, il fut agacé d’entendre s’élever à l’avant du train un vacarme qui menaçait de faire capoter tous ses efforts pour que le véhicule soit de nouveau à l’heure. Harry Verez et Sydney Jones, tous deux employés de la banque Robarts, Curtis & Co., dans la City, criaient que quelque chose n’allait pas. Ces jeunes commis venaient de s’installer dans un compartiment vide de la plus éloignée des voitures de première classe, en bois de teck verni, lorsque Jones avait découvert du sang sur ses mains et l’arrière de son pantalon.
Comme pour la plupart des trains anglais de l’époque, chaque voiture en teck verni du North London Railway était divisée en plusieurs compartiments distincts et isolés. De part et d’autre, des portes généralement verrouillées avant le départ de chaque gare s’ouvraient sur le quai ou sur les voies, mais il n’existait aucun couloir ni ouverture leur permettant de communiquer entre eux. Une fois la machine en route, les passagers n’étaient pas en mesure d’appeler le conducteur, le chef de train ni les passagers de la même voiture qui voyageaient dans des compartiments voisins.
Chaque « pièce », semblable à un caisson, comprenait de chaque côté deux sièges séparés par un accoudoir, et était si étroite que les dames assises en vis-à-vis voyaient leurs jupes frotter l’une contre l’autre et jouaient avec les extrémités de leurs châles pour les empêcher de s’emmêler. Les coussins rembourrés des sièges étaient garnis d’étoffe bleue capitonnée avec des boutons et renforcés, à la base, d’épais cuir américain. Sur le plancher s’étendait un grossier tapis en fibre de coco, et des filets à bagages, faits de corde solidement nouée, se balançaient au-dessus des sièges. Chacune des fenêtres était barrée de robustes tiges de cuivre afin d’empêcher les passagers de se pencher à l’extérieur, et chacune était munie d’une lanière de cuir leur permettant de préserver leur équilibre des soubresauts du train. Une unique lampe à gaz noire de suie, suspendue au centre de la cloison en bois, émettait une lueur d’un jaune peu naturel.
Extraits
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