PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE 1
La cicatrice
Jeudi 1er janvier. Freddie se lève plusieurs heures avant moi. J’entends la porte qui claque, puis je glisse de nouveau dans un sommeil trop léger. Ces rêves que je fais à moitié éveillée me paraissent souvent les plus obscurs. Ainsi, avant que Freddie ne claque la porte, je traversais un désert (peut-être le Sahara ?) en portant une journée sur mon dos. Il faisait chaud et je transpirais à grosses gouttes. Cette fois-ci, j’entre dans un pub, à l’angle d’une avenue éclairée et d’une impasse. Le centre d’une métropole d’Amérique du Nord, ou bien du Sud, peu importe. C’est la soirée du réveillon. À minuit, le garçon qui m’accompagne m’embrasse et me dit qu’il doit partir. J’erre seule le long de la route qui borde le fleuve, avec un sentiment d’abandon terrible, à travers les bruits de klaxons et la rumeur de la ville célébrant la nouvelle année.
Je me réveille à midi. Violent mal de tête. Je ne me souviens plus très bien de la veille, j’ai trop bu, Freddie m’a sans doute portée jusqu’ici. Par la fenêtre, je vois qu’il fait sombre, comme si c’était déjà la fin de la journée. Je compte les sapins de Noël orphelins dans la rue, il y en a neuf. Je me dis qu’ils attendent patiemment ainsi, dans ce froid glacial, avec l’espoir de trouver une seconde famille d’accueil et que, à défaut d’un foyer où il fera chaud, ils finiront probablement à la décharge parmi les restes des repas de fin d’année... Cette pensée vient renforcer l’incertitude dans laquelle m’a laissée mon dernier demi-rêve.
Je me promène l’après-midi sur les grandes avenues où une parade a investi toute la chaussée. Des gens déguisés en costumes d’animaux : animaux domestiques, animaux de la jungle, poissons, oiseaux... J’applaudis avec la foule les chars qui défilent. Je passe ensuite voir Freddie dans le café où il travaille, le Café des Berceuses, un des rares de la ville ouvert un 1er janvier. Une longue file d’attente, jusqu’au croisement de l’avenue des Espagnols et de la rue de Vénus, patiente pour acheter des cigarettes.
Freddie termine son service à dix heures. Pour tuer le temps, je lis le journal en buvant un café et trois jus d’abricot. Puis nous rentrons chez lui à pied. Sur le chemin, nous comptons encore les sapins en nous faisant la promesse de construire un jour un orphelinat pour les recueillir.
Vendredi 2 janvier. Il me reste 300 nimbes. Si je fais attention, et que je ne dépense pas plus de 100 nimbes par mois, je n’ai pas besoin de travailler, ni d’emprunter d’argent à Freddie jusqu’au mois de mars. Je me sens donc relativement libre et légère.
Je lis quelques pages de Plumes d’acier. J’ai l’impression de connaître les deux personnages principaux Martin et Brune... Parfois j’aimerais que les personnages de livres ou de films soient des amis, mais s’ils devenaient mes amis, je finirais par me lasser d’eux.
Extraits
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