La serveuse s’amène négligemment. Aussitôt Zazie esprime son désir:
— Un cacocalo, qu’elle demande.
— Y en a pas, qu’on répond.
— Ça alors, s’esclame Zazie, c’est un monde.
R. Queneau, Zazie dans le métro
Je suis un enfant de l’Amérike.
Si un jour ils me collent au poteau pour mes « crimes » révolutionnaires, je veux un hamburgerfrites avant de mourir, et un Coca.
T. Rubin, Do It
Ce qui est magnifique, dans ce pays, c’est que l’Amérique a commencé la tradition selon laquelle, les consommateurs les plus riches achètent essentiellement les mêmes choses que les plus pauvres. Tu peux regarder la TV et voir Coca-Cola, et tu peux savoir que le Président boit du Coca, que Liz Taylor boit du Coca, et te dire que, toi aussi, tu peux boire du Coca. Un Coca est un Coca et aucune somme d’argent ne peut t’en procurer un meilleur que celui qu’est en train de boire le clochard au coin de la rue.
A. Warhol, The Philosophy of Andy Warhol
PEU IMPORTE L'IVRESSE
Un jour les peuples chanteront l’épopée de Coca-Cola.
Mais y aura-t-il encore des peuples ?
Ne se seront-ils pas dissous dans l’universalité que nous annoncent la technique envahissante et ses produits anonymes, briquets à jeter, montres à quartz, calculatrices de poche ?
Le citoyen des vieilles nations n’aura-t-il pas cédé la place à Everyman, l’homme du commun parti de l’Amérique pour rallier le monde à la cause du hot dog et de la limonade en boîte ?
La boisson barbare ne l’aura-t-elle pas emporté sur la finesse des peuples ?
Ce jour-là, étonnamment, le Coca-Cola apparaîtra pour ce qu’il est : le produit le plus typiquement contemporain, qui charrie dans ses flots sans répit les scories du vieux monde, déracinant nos coutumes, brisant dans sa fougue nos attaches les plus chères, emportant les débris de notre mémoire collective, mais dont le parcours inéluctable trace pourtant de la modernité une image qui nous émeut, comme quelque chose qui va déjà disparaître, rongé par un futur qui n’attend pas son tour.
Et alors nous nous précipitons sur les vieux calendriers Coca-Cola, les plateaux, les enseignes, les miroirs de notre passé-présent, nous les recueillons amoureusement, nous les mettons au musée pour que notre époque, comme celle des amphores et des cariatides, comme celle des cottes de mailles et des vitraux, survive dans la mémoire des hommes. Pour que dans les siècles à venir ils sachent qu’autrefois, il y a fort longtemps, après Aphrodite et le nectar, après Iseult et le philtre, il y eut le temps de Marilyn et du Coca-Cola.
Aurait-il pu prévoir, le modeste apothicaire d’Atlanta, lorsqu’un jour de 1886, dans l’arrière-cour de son officine, il découvrait la formule de son sirop, que de la cuve où il réalisa l’étonnant mélange partirait le grand fleuve Amazone des temps modernes, l’impétueuse liqueur qui inonderait les continents, abreuvant le mythe contemporain, colorant les façades de la Metropolis, pervertissant la place du village andin, symbole d’une américanité triomphante auquel les pays révolutionnaires eux-mêmes rendraient hommage ?
Extraits
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