#Roman francophone

London Fields

Martin Amis

C'est l'histoire d'un assassinat. Il n'a pas encore eu lieu. Mais il aura lieu. (Il a tout intérêt) Je connais l'assassin, je connais l'assassinée. Je connais l'heure, je connais le lieu. Je connais les mobiles (ses mobiles à elle) et je connais les moyens. Je sais qui sera le faire-valoir, le dupe, le pauvre bourriquet qui lui aussi sera totalement détruit. Et je ne pourrais pas les arrêter, je ne pense pas, même si je le voulais. La fille mourra. C'est ce qu'elle a toujours voulu. On ne peut pas arrêter les gens une fois qu'ils ont commencé. One ne peut pas arrêter les gens une fois qu'ils ont commencé à créer. Avec London Fields, Martin Amis nous offre une satire contemporaine, dont le titre champêtre résonne comme une dernière note ironique dans une métropole londonienne hantée par l'Apocalypse.

Par Martin Amis
Chez Editions Gallimard

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Genre

Littérature anglo-saxonne

 

 

 

C’est une histoire vraie mais je ne peux croire qu’elle se passe vraiment.

C’est aussi une histoire de meurtre. Je ne peux croire à ma chance.

Et une histoire d’amour (je crois), comble du bizarre, si tard dans ce siècle, si tard dans cette foutue journée.

C’est l’histoire d’un assassinat. Il n’a pas encore eu lieu. Mais il aura lieu. (Il a tout intérêt.) Je connais l’assassin, je connais l’assassinée. Je connais l’heure, je connais le lieu. Je connais les mobiles (ses mobiles à elle) et je connais les moyens. Je sais qui sera le faire-valoir, le dupe, le pauvre bourriquet qui lui aussi sera totalement détruit. Et je ne pourrais pas les arrêter, je ne pense pas, même si je le voulais. La fille mourra. C’est ce qu’elle a toujours voulu. On ne peut pas arrêter les gens une fois qu’ils ont commencé. On ne peut pas arrêter les gens une fois qu’ils ont commencé à créer.

Quel don. Je tache cette page de quelques rapides larmes de gratitude. Les romanciers ont rarement la chance, n’est-ce pas, que quelque chose de réel se passe (quelque chose d’unifié, de dramatique et facile à vendre) et qu’ils n’aient plus qu’à l’écrire ?

 

Je dois rester calme. Moi aussi j’ai une date limite à respecter, ne l’oublions pas. Oh, quelle agitation prometteuse. Quelqu’un chatouille mon cœur avec des doigts délicats. La mort pèse beaucoup sur l’esprit des gens.

Il y a trois jours (vraiment ?) j’ai pris le vol de nuit de New York. J’avais pratiquement l’avion à moi tout seul. Je me suis étiré, j’ai fait des appels pitoyables et fréquents aux hôtesses pour qu’elles me donnent de la codéine et de l’eau froide. Mais ce vol de nuit m’a fait ce que font les vols de nuit. Oh Seigneur, je ressemble au Chien des Baskerville… À une heure et demie du matin (pour moi), j’ai été réveillé par des secousses devant un petit pain collant. Je suis allé m’asseoir à un hublot et j’ai regardé les champs former leurs régiments, en grand ordre de parade, à travers les brumes étincelantes, les tristes comtés, comme une armée à la taille de l’Angleterre. Puis la cité elle-même, Londres, aussi tendue et méticuleuse qu’une toile d’araignée. J’avais l’avion tout à moi parce que aucune personne saine d’esprit ne veut venir en Europe, surtout pas en ce moment, pas pour l’instant ; tout le monde veut aller dans l’autre sens comme l’a confirmé Heathrow.

Ça puait le sommeil. Somnopolis. Ça puait le sommeil et l’inquiétude, le souci insomniaque et la fuite contrariée. Parce que nous sommes tous des poètes ou des bébés qui luttent avec l’existence au milieu de la nuit. Il n’y avait presque aucune autre Arrivée, à part la mienne. L’aéroport ne se souciait que de Départs. Tandis que j’attendais dans quelque couloir encombré et écoutais les instructions enregistrées, je regardais les parkings et les pistes d’envol à travers la pluie de l’aube en dégradé d’insultes : tous les requins, l’aileron dressé, renards des mers, pèlerins, grands blancs, tueurs. Tous des tueurs.

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trad. Géraldine d' Amico
18/06/2009 745 pages 11,40 €
Scannez le code barre 9782070359431
9782070359431
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