#Roman étranger

Sarah Thornhill

Kate Grenville

Sarah Thornhill est la fille cadette de William Thornhill, ancien bagnard devenu propriétaire terrien le long du fleuve Hawkesbury, des terres hantées par le souvenir de leurs anciens occupants aborigènes méprisés et massacrés. William s'est remarié avec une femme ambitieuse et bornée. Mais Sarah mène une vie heureuse près de ce père qu'elle aime. Elle est amoureuse du beau Jack qui l'aime aussi. Pourquoi donc tous s'obstinent-ils à empêcher cet amour ? Quel secret peut bien cacher un père par ailleurs si généreux et attentif ? Elle devra chercher des réponses dans un passé que tous s'appliquent à dissimuler et par-delà les mers, en Nouvelle-Zélande, où son frère a disparu en laissant une fillette à demi maorie que William Thornhill est bien décidé à considérer comme faisant partie de la famille, au grand dam de sa femme. S'inspirant de l'histoire de sa famille, Kate Grenville crée des personnages attachants et un récit passionnant, elle nous montre aussi que les vérités les plus fortes peuvent avoir besoin de détours pour se manifester au grand jour.

Par Kate Grenville
Chez Editions Métailié

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Genre

Littérature étrangère

 

 

Ce roman est dédié à la mémoire de Sophia Wiseman,

Maryanne Wiseman, et de leur mère, “Rugig”.

 

 

 

 



“Du fait qu’une montagne apparaît sous différentes formes

en fonction de différents angles de vue,

il ne s’ensuit pas qu’elle ait soit une infinité de formes,

soit pas de forme du tout.”

 

E.H. Carr

L’Hawkesbury était un joli fleuve, large et tranquille ; son eau verte ridée, ses falaises dorées par le soleil, les oiseaux perchés dans ses arbres comme le linge d’une lessive étendue. En cette douce matinée paisible, les casuarinas chuchotaient et, dans les reflets sur l’eau, le monde se tenait sur la tête.

On nous appelait la colonie de Nouvelle-Galles du Sud. Ça ne m’a jamais plu. Nous sommes pas rien de nouveau. Nous sommes nous.

C’est sur l’Hawkesbury que venaient les bannis. Dès qu’ils retrouvaient leur liberté, c’est là qu’ils partaient. Quatre-vingts kilomètres de Sydney et pas l’ombre d’un magistrat ou d’un constable. N’importe qui pouvait se choisir un lopin de terrain et se monter une cabane, sans un regard en arrière.

On entendait beaucoup dire ça : sans un regard en arrière.

C’était donc un endroit sans bonne-maman, ni bon-papa. Sans tantes, ni oncles. Sans passé.

Pa avait été batelier sur la Tamise. Puis il avait été banni, j’ai jamais su pourquoi. Dix-huit cent six, à bord de l’Alexander. J’étais une gamine un peu peste, mais j’ai jamais pu en tirer davantage ; un sourire vague et lointain aux lèvres, il restait assis dans son fauteuil dont il lissait les poils du velours.

Les Thornhill vivaient sur un grand pied. Trois cents arpents de terre fertile sur les rives du fleuve et il fallait le remonter jusqu’à Windsor avant de trouver une demeure aussi imposante que la nôtre. Pa avait fait ses débuts avec l’Espoir, un vieux bateau sur lequel il transportait les récoltes et la viande des fermiers à Sydney. Maintenant qu’il avait du maïs et du blé à lui, des bœufs et des porcs, il avait abandonné tout ça : il pouvait laisser à d’autres la peine d’acheminer ses produits.

Mais il restait batelier de cœur. Toujours deux ou trois canots amarrés sur la jetée et quand une nouvelle route s’était ouverte, au nord, il avait saisi l’occasion aux cheveux et installé un bac pour la traversée. Un shilling par personne, une demi-couronne pour un homme et sa monture, six pence par tête de bétail. Qui disait passage disait auberge : il avait fait construire le Ferryman’s Arms et en avait confié la gérance à George Wheeler.

J’ai jamais vu Pa se servir d’une hache ni soulever une bûche, et il employait des gars pour ramer à sa place. Assez trimé pour le restant de mes jours, qu’il disait. Le matin, il mangeait, allumait sa pipe et sortait voir les hommes qui l’attendaient, la houe et la bêche à la main. Jemmy Katter, Bob Dodd, Dickie Parson et trois ou quatre autres. Des forçats assignés par le gouvernement qui purgeaient leur peine, comme Pa l’avait fait avant eux. Originaires de Londres, pour la plupart, ils avaient jamais vu de bêche de leur vie.

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trad. Mireille Vignol
02/05/2014 255 pages 22,00 €
Scannez le code barre 9782864249443
9782864249443
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