#Essais

Les résistants. Témoignages 1940-1945

Laurent Joffrin

Ceux qui ont dit non à l'occupation nazie, hommes et femmes de France, livrent leurs souvenirs : l'heure du choix, la clandestinité, le combat, le drame, la victoire. Un recueil de témoignages agencés de manière à éclairer l'histoire de la Résistance, en ce qu'elle avait de lumineux, mais aussi en ce qu'elle a pu avoir d'obscur. On y trouve l'histoire parallèle des engagements, comment devient-on résistant quand on est royaliste ? socialiste ? communiste ?, le récit mouvementé et exaltant de l'action, du danger, de l'exploit, et des faits qui, une fois croisés, permettent de mieux comprendre la mécanique infernale qui a conduit à la tragédie de juin 1943, Caluire, la mort de Jean Moulin.

Par Laurent Joffrin
Chez Presses de la Cité

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Genre

Histoire de France

Introduction

 

 

Les historiens se méfient des témoins : ils ont tort. Sans eux, l’Histoire est sèche, froide et sans âme. Avec eux, elle jaillit des brumes du passé, comme un roman étincelant.

L’Histoire des historiens est exacte, précise, rationnelle. Elle déchire le voile de la mémoire qui enjolive ou censure. Elle dissipe les légendes, elle éclaire les zones d’ombre, elle chasse les faux-semblants brandis pour les besoins d’une cause. Pour comprendre la Résistance, les historiens ont eu raison de suspecter les récits incertains des acteurs, de s’attacher aux documents, aux archives, d’exercer envers les témoignages une rigueur comparative. Mais en s’arrêtant à la méthode tatillonne de l’Université, ils manquent l’essentiel.

L’historien s’approche laborieusement de la vérité comme un archéologue qui gratte des mottes de terre avec une brosse métallique, il dénude le glacial enchaînement des causes et des effets, sans lequel les récits restent trompeurs ou mystérieux. Le témoin communique l’irremplaçable expérience humaine. Il nous plonge au cœur de la vie, il rend présents les hommes du passé, il restitue la couleur, le bruit, l’odeur de l’événement, il transmet la peur, l’espoir, la fierté, la honte ou le découragement. Il n’est pas le notaire du fait brut, le raisonneur sur documents. Il est le romancier de l’action, qui la fait vivre avant de la faire comprendre, qui la fait comprendre parce qu’il la fait vivre.

 Les historiens savent que la saga de la France libre fut héroïque et dérisoire, que le général de Gaulle, isolé parmi les siens, condamné par les autorités de son pays, inconnu de son peuple, dut affronter non seulement les affres de la défaite et de la guerre, mais aussi et surtout le scepticisme de ses contemporains, la tragique faiblesse de ses troupes, l’intrigue sans cesse renaissante de ses concurrents. De savantes analyses ont été consacrées à cet amer paradoxe. Rien ne le dit mieux, pourtant, qu’un souvenir de Rémy, le chef du réseau Confrérie Notre-Dame venu voir de Gaulle à Londres. Le résistant est en avance et gravit les marches qui conduisent au bureau du Général encore vide pour l’attendre sur le palier. Soudain, il voit en contrebas monter un homme las, le dos courbé, le pas lourd, le visage baissé, dont la main s’agrippe à la rampe de l’escalier comme celle d’un naufragé à sa bouée de sauvetage. C’est de Gaulle. Il porte sur ses épaules affaissées toutes les vicissitudes de ce minuscule mouvement qui prétend représenter une nation tout entière et dont l’arme unique est un micro. Rémy s’avance, de Gaulle le voit. Dans la seconde, le Général se redresse, raide, impavide. « Et je le retrouve tel que je l’avais imaginé, se souvient Rémy, calme et froid, inébranlable, sûr de son bon droit, certain de la victoire en une heure où les cœurs et les têtes les plus solides chancellent. » En une scène, tout est dit : le drame du Général, son isolement, son espoir fragile et son implacable force d’âme.

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16/05/2013 936 pages 29,00 €
Scannez le code barre 9782258098404
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