#Roman francophone

Chuuut !

Janine Boissard

Un beau château entouré de vignes, près de Cognac dans les Charentes : c’est celui d’Edmond de Saint-Junien, exploitant du « nectar des dieux ». Autour de lui et de sa femme Delphine, leurs trois enfants et leur propre famille vivent sur le domaine. Une seule absente, leur fille Roselyne, qui s’est enfuie le jour de sa majorité, bien des années plus tôt, qui n’a plus jamais donné de nouvelles et qui vient de mourir. Quand débarque Nils, le fils de Roselyne (dont personne ne connaissait l’existence), la surprise est de taille – bénédiction pour les uns, méfiance pour les autres. D’emblée, Nils gagne le cœur de ses grands-parents, et de sa cousine Fine, dont il tombe amoureux au premier regard. Charmant, intelligent, il semble se faire rapidement adopter par tous. Jusqu’au jour où un drame affreux se produit : Maria, la fillette des gardiens, est retrouvée assassinée dans la cabane qu’Edmond vient de faire construire à Nils pour ses 18 ans. Et tout l’accuse… Malgré ses protestations d’innocence, Nils est condamné à dix ans de prison. Libéré au bout de quatre pour bonne conduite, il revient au château, bien décidé à démasquer le vrai coupable, dont il connaît l’identité. Il a enfin entre les mains la preuve qu’il a cherchée pendant des années. Il peut donc faire éclater la vérité. Éclater est le mot : en dévoilant le nom de l’assassin, il risque de briser le cœur de ceux qui lui ont tout donné, qui sont toujours restés à ses côtés, ses grands-parents…

Par Janine Boissard
Chez Robert Laffont

0 Réactions |

Genre

Littérature française

Fine

Chut ! Quand j’étais petite et que je n’arrêtais pas de demander « pourquoi, pourquoi, pourquoi ? », c’était la réponse que je recevais le plus souvent.

« Chut » avec les gros yeux, « chut » avec des larmes dans les yeux, « chut » avec un doigt posé sur les lèvres comme un barreau de plus.

Toute la famille vivait au château, la maison de mon grand-père, même si ça n’était pas un vrai avec un pont- levis, des tours et des mâchicoulis d’où tu jettes de la poix brûlante et des pierres sur l’ennemi, mais un château quand même, et maman m’expliquait que grand-père était un roi, le roi du cognac, comme la ville de François Ier que l’on voyait des fenêtres du haut. Et, derrière la grille, toutes ces rangées de vigne étaient ses armées, les bouteilles d’alcool qu’on en tirait ses oriflammes, et sur chacune son nom était marqué : Edmond de Saint Junien.

De chaque côté du château qui donnait sur une grande cour avec un puits fleuri – interdit de s’asseoir sur la margelle –, grand-père avait fait ajouter des ailes qu’on appelait aussi des « dépendances », afin d’y loger ses quatre enfants lorsqu’ils seraient mariés : une pour Baudoin et Roselyne, les aînés, une pour Monique et Hermine (maman), les cadettes.

Aujourd’hui, c’était fait. L’oncle Baudoin et la tante Béatrix occupaient l’aile droite avec leurs trois enfants, Thibaut, Louis-Adrien et Philippine. La tante Monique, l’aile gauche avec son fils Alexander, et nous à côté, bien séparés, chacun chez soi, Hermine et Gilles, mes parents avec moi, Fine, et mon petit frère Benjamin.

Et là, les « pourquoi » commençaient.

— Dis, maman, pourquoi les volets de la dépen- dance de tante Roselyne sont toujours fermés ? Où elle est ? Pourquoi on l’a jamais vue ?

— Chut, ma Fine, répondait maman. Ta tante Roselyne est partie très loin, dans un autre pays. Ça a fait beaucoup de chagrin à tes grands-parents, alors surtout tu ne leur en parles pas.

— Et toi aussi, maman, ça t’a fait beaucoup de chagrin ?

— Bien sûr, c’était ma grande sœur. — Et elle reviendra quand ?
Là, c’était « chut » les larmes aux yeux. — Jamais, mon cœur.

L’autre « pourquoi » concernait mon cousin Alexander, le fils de tante Monique.

— Dis, maman, pourquoi Alexander reste toujours dans son coin ? Il ne veut pas jouer avec nous, il regarde par terre en parlant charabia, et quand il crie, ça fait peur.

— Chut ! répondait maman en fixant le mur comme si tante Monique avait l’oreille collée de l’autre côté. Tu sais bien qu’Alexander est malade.

— Et c’est quoi exactement, sa maladie ?

— C’est les nerfs. On le soigne, tout le monde prie pour qu’il guérisse. Et même s’il fait un peu peur, tu dois être gentille avec lui parce que ce n’est pas sa faute s’il est malade.

— Et pourquoi le mari de tante Monique, l’oncle Bernard, est parti ? Elle arrête pas de répéter que c’est un lâche et un irresponsable, et grand-mère lui ordonne de se calmer un peu parce que ce n’est pas en l’insultant qu’elle le ramènera.

Commenter ce livre

 

07/03/2013 320 pages 20,00 €
Scannez le code barre 9782221131466
9782221131466
© Notice établie par ORB
plus d'informations