#Imaginaire

Le voyageur

James Smythe

Lorsque le journaliste Cormac Easton est sélectionné pour la première mission habitée vers l'espace, il s'imagine déjà gagner sa place de grand explorateur dans l'histoire de l'humanité. Mais une fois là-haut, rien ne se passe comme prévu. Le capitaine est le premier à mourir brutalement. La réaction du Centre de contrôle est sans équivoque : la mission doit continuer quoi qu'il arrive. Les cadavres s'accumulent, et Cormac nit par se retrouver seul, allant à toute allure vers sa propre mort...

Par James Smythe
Chez Bragelonne

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Editeur

Bragelonne

Genre

Science-fiction

« J’avais l’ambition d’aller plus loin qu’aucun homme avant moi, et aussi loin qu’il était possible d’aller. »

 

Capitaine Cook

Une de mes premières réactions quand j’ai compris que je ne reviendrais pas – une fois les autres membres d’équipage rangés dans leur caisson comme des jouets figés par le vide – a été de rédiger une liste de tous les gens que je ne reverrais plus. Pour me noyer, me vautrer dans la perte. Je m’appelle Cormac Easton. Journaliste et, a priori, astronaute. J’étais chargé de la communication du vaisseau avec la Terre ; je produisais des vidéos et des articles que j’expédiais ensuite à qui de droit. Impossible de savoir au bout de combien de temps les informations arrivaient à bon port – si elles y arrivaient vu la distance et les interférences –, mais le boulot était fait. J’ai envoyé la liste comme les autres rapports, partant du principe qu’ils sauraient quoi en faire là-bas, qu’ils accepteraient une touche plus personnelle. La liste était longue. Elena occupait la première place : elle me manquait déjà avant le lancement. Les derniers jours, j’avais tenté de la joindre en vain, lui laissant quantité de messages pour lui décrire mes sentiments, parce que c’était ça, mon travail, cette mission, qui avait détruit notre couple. Je voulais savoir si elle m’accorderait une deuxième chance à mon retour. Il ne faut jamais perdre espoir, pas vrai ? Quand j’ai compris qu’il n’y aurait pas de deuxième chance, c’est devenu très différent. Elle ne me manquait plus ; je suppose que j’étais désespéré, ou tout autre adjectif servant à décrire ces moments où l’on voit sa vie partir en lambeaux. Je n’en ai pas parlé au reste de l’équipage, pour ne pas les mettre mal à l’aise ni leur gâcher le lancement. Ma douleur circulait dans mes messages. J’ai dit à Elena qu’elle me manquait maintenant, qu’elle me manquerait toujours, et que s’il y avait un dieu quelque part, il s’arrangerait pour qu’on se revoie. Mais je n’y croyais pas. Je disais ça par principe, au cas où.

Les suivants sur la liste : mes parents. Mon père et ma mère sont – étaient – enseignants. Ma mère a divorcé sur le tard, après la retraite, et mon père en a profité pour couper les ponts. Les livres prétendent que rejeter sa famille fait partie de certains mécanismes de protection, mais je crois surtout qu’il avait trouvé une bonne excuse. On ne s’entendait pas très bien, et quand il a disparu de ma vie, il l’a fait pour de bon. Plus de coup de fil le jour de mon anniversaire, plus une lettre, plus rien. Ça fait cinq bonnes années que je ne l’ai pas vu. Il est peut-être mort. Parfois, j’essaie de m’en convaincre ; c’est plus facile que de chercher un tas d’explications. Ma mère, elle, est morte il y a six mois. Un truc au cœur. Mon père n’est pas venu à l’enterrement, n’a même pas appelé.

J’avais aussi un chat, manquant à l’appel le jour du grand départ : le coup typique de la valise sur le lit, synonyme de vacances, qui fait fuir la bête dans un coin où elle peut se lamenter sur la traîtrise humaine. Comme si ce n’était pas déjà assez dur avec Elena.

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trad. Claude Mamier
16/04/2014 348 pages 20,00 €
Scannez le code barre 9782352947394
9782352947394
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