#Roman francophone

Le produit

Kévin Orr

Le narrateur, âgé d’une trentaine d’années, vit à Paris. Il vient de rompre avec sa compagne, dans la douleur. Son obsession, c’est le Produit, dont il est dépendant mais qu’il veut absolument arrêter de consommer. Il s’efforce de penser à autre chose, mais sans cesse revient en lui la sensation de manque. Il faudrait penser à autre chose. Ou changer d’air, cela pourra peut-être l’aider. Il décide donc de partir quelque temps à New York, chez un couple d’amis qui font office de parents adoptifs depuis l’enfance. Ils sont un peu effrayés de le trouver dans cet état. Quelques jours à la campagne, au bord de l’Hudson, pourraient l’aider à retrouver un équilibre. Bientôt, c’est le retour à New York, puis à Paris. Comment se délivrer de ce satané Produit ? Le livre est le journal de bord de la souffrance créée par le manque, peu à peu compensée par l’écriture, notamment celle de morceaux romanesques où l’on échappe miraculeusement mais provisoirement à l’obsession du Produit. La littérature prend alors une dimension cathartique, elle seule semble à même de sauver l’auteur, dans une langue nerveuse, irritée, violente, presque syncopée parfois. Un roman haletant, qui brasse plein d’histoires, où la vie cabossée du narrateur refait petit à petit surface. On ne saura jamais ce qu’est le Produit, ce qui confère au texte toute sa puissance métaphorique. C’est le roman moderne de toutes les addictions.

Par Kévin Orr
Chez Seuil

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Editeur

Seuil

Genre

Littérature française

On est sortis hier, toute la nuit. On est rentrés à 8 heures. On a mis la télé. On s’est endormis.

 

PEUT-ÊTRE QUE LA NOUVELLE DEVRAIT

COMMENCER PAR AUTRE CHOSE ?

 

IL ME FAUDRAIT MON PRODUIT !

 

La semaine est passée : six jours dans la chambre, dans le noir. Maman a fini par ouvrir les volets. Il neigeait dehors. Le verglas collait au ciment des immeubles et reflétait de grands éclairs blancs… quelque chose d’éloigné, quelque chose qui n’a rien à voir avec les questions qu’on se pose ici quotidiennement : le loyer, le ménage, les habits, les filles, les amis, la nourriture, l’argent, etc.

 

IL ME FAUT MON PRODUIT MAINTENANT

NON, OUBLIE !

 

On a fini par sortir de l’appartement. Dans le hall après la cage d’escalier il y avait un mini-sapin de Noël avec des guirlandes électriques rouges et vertes qui clignotaient par alternance toutes les deux ou trois secondes et demie. On est sortis dans la cour. On a cogité sur comment se cogner.

 

IL EST QUELLE HEURE ?

13 h PUTAIN !! ON N’ARRIVERA JAMAIS

 

On s’est battus avec les branches que la tempête avait arrachées aux troncs qui stagnaient à l’horizontale sur les parapets détruits. On a fait une bataille de boules de neige et on s’est cachés pour canarder les voisins qui arriveraient. L’idée intelligente a été de se positionner sous le petit balcon de la famille Allog. On entendait les voix des deux frères qui discutaient, assis sur leur rambarde. On voyait les chaussures qui se balançaient dans l’air. Des jambes pendaient comme des langues de serpent. On écouta :

 

– On était dans sa piaule. Normal. Elle m’a pompé, machin c’était super sympa tu vois. Mais en même temps ; bon. Voilà ! C’est trois secondes. Moi ça me fait du bien deux jours et puis…

 

JE VAIS ARRÊTER D’ÉCRIRE CETTE MERDE J’EN PEUX PLUS. IL ME FAUT MON PRODUIT MAINTENANT. OU AU CONTRAIRE : JE NE PENSE PLUS AU PRODUIT

ET J’ÉCRIS TRÈS TRÈS RAPIDEMENT

 

– Elle était belle ?

– Elle était très très très belle. Je te l’ai montrée l’autre jour en vidéo. Elle était dans un miroir.

– Celle que t’avais appelée déjà ?

– Je l’avais appelée mais je ne l’avais pas vue. Et en fait elle a une gueule ! Elle est beaucoup plus belle dans la vie que sur la photo. Et en plus elle était pas là que pour l’argent tu vois parce qu’au début je lui avais dit Tu sais ça fait longtemps donc je risque de partir un peu vite alors on le fait tout doucement et puis j’ai pas le cash donc je préfère qu’on s’arrête juste avant. On commence à se faire des trucs et je lui ai dit Bon écoute, on va tout faire en fait ! Elle m’a dit Non non non, reviens la prochaine fois si tu veux. Là si t’y vas vite c’est con de remettre 50 de plus pour un coup rapide… Tu vois elle est pas que dans un truc de tune genre : Bon ok ! Tu veux ? On y va ! Non non non. Et en plus… elle m’a fait des espèces de compliments… Elle m’a dit Je peux te dire un truc ? (Et bizarrement ça m’a fait hyper plaisir, comme quand on te dit que t’es bon dans ton boulot), elle m’a dit Je suis experte hein ! Je m’y connais ! T’as un… la tienne est hyper belle ! Elle est très très belle ! (Ils rigolent.) Comme si on m’avait dit t’as des beaux yeux, tu vois ?

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22/08/2013 201 pages 17,00 €
Scannez le code barre 9782021103601
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