#Roman étranger

Les ailes de l'ange

Jenny Wingfield

Bercé par la musique country et le gospel, un premier roman lumineux qui nous plonge dans l'atmosphère languide du Deep South des années 1950. Une oeuvre aussi drôle que bouleversante sur la perte de l'innocence, la solidarité familiale et la force de l'amitié. Dans les plaines de l'Arkansas, dans une petite maison qui fait aussi épicerie et bar vivent les Moses, une famille joyeusement bruyante où l'on surmonte grandes déceptions et petites tragédies par un coeur bon et une âme généreuse. C'est là que grandit Swan, garçon manqué de onze ans qui déteste les jupes et adore jouer à la guerre avec ses frères. Une rencontre va bouleverser la vie de Swan et celle des siens: Blade a dix ans. Il a peur. Son père est un homme sadique, un monstre de violence et de cruauté. Un jour, c'est le coup de trop, un geste atroce, d'une horreur indicible. Pour les Moses, il y a urgence, il faut protéger l'enfant. Mais, face à l'effroyable désir de vengeance d'un être animé par le mal, tout l'amour du monde pourrait bien ne pas suffire...

Par Jenny Wingfield
Chez Belfond

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Editeur

Belfond

Genre

Littérature étrangère

1

Comté de Columbia, Arkansas- 1956

JOHN MOSES N'AURAIT PU CHOISIR PLUS MAL SON JOUR et sa façon de mourir, même s'il les avait prévus depuis longtemps. Possible, après tout. Avec une tête de mule comme John. Le week-end de la grande réunion de famille se déroulait à merveille - enfin, normale­ment - quand il s'était avisé de tout gâcher.
La réunion avait lieu le premier dimanche de juin. Forcément : c'était comme ça depuis toujours. Car la tradition, John Moses était à cheval dessus. Chaque année, sa fille Willadee (elle vivait loin dans le Sud, en Louisiane) lui demandait de changer la date, soit pour le deuxième dimanche de juin, soit pour le pre­mier dimanche de juillet, mais John tenait une réponse toute prête :
— Plutôt brûler en enfer.
Willadee rappelait alors à son père qu'il n'y croyait pas, et John de lui remémorer à son tour que c'était en Dieu qu'il ne croyait pas, et que, pour l'enfer, la ques­tion restait à débattre. À quoi il ajoutait que le pire, si pareil lieu existait vraiment, ce serait que le mari de Willadee, Samuel Lakc, y soit envoyé en même temps que lui, étant donné qu'il était prédicateur... et tout le monde savait que les prédicateurs (surtout les métho­distes, comme Samuel) étaient les plus viles crapules que la terre ait jamais portées.
Willadee savait que son mari n'avait rien d'une crapule, mais elle ne discutait jamais avec son père. Le problème, c'était que la conférence annuelle commençait le premier dimanche de juin. À cette occasion tous les pasteurs méthodistes des quatre coins de l'Etat apprenaient de la bouche de leur res­ponsable de district quel degré de satisfaction ou de non-satisfaction ils avaient obtenu au cours de l'année écoulée, et s'ils allaient pouvoir rester où ils étaient, ou être obligés de déménager.
Samuel avait l'habitude de s'entendre dire qu'il fallait déménager. Il était de ceux qui prennent leurs semblables à rebrousse-poil. Pas volontairement, s'entend. Il se contentait de faire ce qu'il pensait être juste - se précipiter, par exemple, le dimanche matin au fin fond de nulle part avec sa vieille guimbarde afin de ramasser une flopée de miséreux (de préfé­rence en guenilles et pieds nus) qu'il ramenait en ville pour assister au culte. Encore, s'il y avait eu des cultes différents, un pour les pauvres péquenauds et un autre pour les honnêtes citoyens auxquels la coupe et la qualité de leur garde-robe garantissaient sans l'ombre d'un doute l'entrée au paradis. Mais pas du tout. Samuel entretenait cette idée saugrenue que Dieu aimait tout le monde de la même manière. En plus, il prêchait avec une ferveur que certains estimaient excessive, donnant du poing sur son pupitre, souvent pour appuyer des paroles du genre : « Que ceux qui croient répètent après moi AMEN ! » alors que les méthodistes, et il était bien placé pour le savoir, s'efforçaient au contraire de se débarrasser de ces vieilles lunes, non sans mal d'ailleurs, comme vous pouvez le constater.
Toujours est-il que John Moses s'en fichait. Il n'était pas disposé à badiner avec la tradition pour la seule raison que Willadee avait été assez niaise pour épouser un prédicateur.
Bien sûr, à l'époque de leur mariage, Samuel ne prêchait pas encore. C'était un solide gars de la cam­pagne, fort comme un bœuf, et d'une beauté dange­reuse. Le cheveu noir et l'œil bleu - d'ascendance galloise et irlandaise. Tout ça pour dire que, lorsque Samuel avait épousé la discrète et fade Willadee Moses, certaines demoiselles du comté de Columbia n'avaient pas quitte la chambre pendant une semaine.
Samuel Lake était magique ; un être tout à la fois merveilleux et terrible, capable des colères les plus noires et de la plus effrayante tendresse, car, lorsque Samuel Lake aimait, il aimait de tout son cœur. Et ce lutin malicieux avait reçu en supplément le don de la musique. Il chantait d'une belle voix de ténor et jouait de la guitare aussi bien que du violon, de la mando­line et de tous les instruments qui pourraient vous venir à l'esprit. Le pays tout entier était sous le charme de Samuel et de ses mélodies.
« Sam Lake a la voix aussi douce que le vent dans les trèfles. »
« Il fait causer les cordes. »
« Il peut les faire parler en langues. »
Chaque été, le lendemain du dernier jour de classe avant les grandes vacances, Samuel et Willadee entassaient les mômes dans la voiture et mettaient le cap vers le sud de l'Arkansas.
Willadee avait la peau tout éclaboussée de taches de rousseur là où celle-ci était exposée au soleil, ce qui ne l'empêchait pas de baisser la vitre et de sortir son coude pour que le Seigneur lui en donne plus. Le vent soulevait ses cheveux rebelles, d'un beau blond sable, qui fouettaient l'air et s'emmêlaient, et elle riait à gorge déployée rien que de se sentir libre.
Willadee adorait rentrer au pays. C'était un rituel merveilleux. Ce voyage annuel en voiture avec toute sa petite famille, heureuse et en bonne santé, presque aussi grisée qu'elle. Willadee en profitait pour se remémorer les lieux où ils avaient séjourné et envi­sager ceux où ils séjourneraient peut-être, et pour se féliciter de voir que ses enfants faisaient honneur aux prénoms qu'elle leur avait conférés à la naissance telles des bénédictions. L'aîné, elle l'avait appelé Noble - un appel aux forces de l'univers afin que lui soient accordés honneur et courage. Le fils cadet s'appelait Bienville. Une bonne ville, et en tout cas, dans l'esprit de Willadee, un endroit paisible. La fille, elle l'avait prénommée Swan '. Un cygne, ce n'était pas seulement un bel oiseau, c'était aussi un oiseau puissant. Et la puissance, s'était dit Willadee, les filles avaient besoin de la trouver en elles-mêmes sans être obligées de l'emprunter aux autres. Jusqu'ici, ses enfants avaient fait honneur à ses bénédictions. Noble était d'une honnêteté scrupuleuse. Bienville d'une amabilité infaillible et Swan rayonnait l'énergie au point de mettre son entourage sur les rotules.
Le comté de Columbia ressemblait à s'y méprendre au nord de la Louisiane. On aurait dit que Dieu avait créé la région en un seul bloc, et qu'il avait pris son pied. Il y avait des collines à perte de vue, des arbres gigantesques, des ruisseaux d'eau vive aux fondssablonneux, des fleurs sauvages, des ciels bleus et de grands nuages floconneux et joufflus suspendus si bas qu'il vous aurait suffi - c'était l'impression qu'on avait - de lever le bras pour en attraper une poignée. Ça, c'était le côté positif. Le moins réjouissant se conjuguait en ronces et gratterons et bien d'autres enquiquinements auxquels personne ne prenait garde, le positif pesant en fin de compte plus lourd dans la balance, mille fois plus.
À cause du calendrier méthodiste, Samuel ne par­venait jamais à rester pour la réunion de famille. Il prenait tout juste le temps de déposer Willadee et les enfants, et de tailler une bavette avec ses beaux-parents. Du moins avec Calla, la mère de Willadee. Car dès que son gendre mettait le pied dans la maison, John en sortait en feignant un haut-le-cœur. Calla, clic, trouvait Samuel merveilleux. Une heure plus tard, Samuel embrassait Willadee, en lui tapotant les fesses, au vu et au su de Dieu et de tous les autres. (John, ça ne manquait jamais, prenait la porte, outré.) Puis il serrait ses enfants dans ses bras et leur recom­mandait de bien s'occuper de leur maman, après quoi il filait à sa conférence. Ah, il disait aussi au revoir à John, mais le vieux ne lui rendait jamais son salut. Il ne pardonnait pas à Samuel d'avoir emmené Wil­ladee en Louisiane, ni à Willadee son départ. Dans son esprit, elle avait eu le tort de ne pas épouser Calvin Furlough, aujourd'hui propriétaire d'une entreprise de carrosserie florissante et d'une meute de chiens de chasse au raton laveur ! Si seulement Willadee avait été gentille, elle serait tombée amou­reuse de Calvin, et tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes. La plus chérie et la plus douce des enfants de John et Calla aurait habité le voi-sinage, et servi de bâton de vieillesse à son vieux papa. Et puis, il n'aurait pas été affligé d'une petite-fille appelée Swaii Lake l,
Les Moses étaient disséminés aux quatre coins du comté de Columbia. Des Moses, il y en avait partout. John et Calla s'étaient aimés avec volupté et avaient eu sept enfants, quatre fils et trois filles. Tous les sept, sauf Willadee et leur cadet, Walter, mort l'année de ses vingt ans des suites d'un accident du travail à la scierie, vivaient non loin de Magnolia, dans un rayon d'une soixantaine de kilomètres de la vieille ferme.
La « vieille ferme Moses », c'était quarante hec­tares fournissant lait, œufs, viande, légumes, fruits, noisettes et miel. Non sans demander de l'abnéga­tion. La terre ne donnait presque rien à l'œil. Des dépendances édifiées au fil du temps et des besoins par John et ses fils étaient disposées çà et là. Granges, remises, garages, cabanes... En 1956, elles tenaient encore debout, mais penchaient dangereusement. Comme si ces bâtiments, conscients de leur inutilité, avaient été gagnés par une profonde lassitude. Comme s'ils savaient qu'ils avaient perdu toute raison d'être.
La maison principale était une vaste bâtisse à un étage. De construction robuste, bien que ces temps-ci un peu de guingois, elle aussi. Deux âmes pour la sou­tenir, ce n'était pas beaucoup, surtout après en avoir si longtemps abrité neuf. Cela faisait déjà plusieurs années que John et Calla avaient abandonné les tra­vaux des champs. Calla avait conservé son potager, quelques poules, le reste avait été cédé à la friche. Ils avaient fermé la véranda devant la maison et ouvert une épicerie/station-service. Calla avait fait peindre à John une enseigne, mais comme elle avait hésité entre : Épicerie et Station-service Moses et Pompe à essence et Épicerie Moses, bouillant d'impatience, John l'avait clouée sans plus attendre. On y lisait tout simplement : MOSES.
Chaque matin, au saut du lit, Calla descendait au magasin mettre le café sur le feu. Des fermiers en chemin pour le marché aux bestiaux ou le marchand d'aliments pour bétail s'arrêtaient pour se chauffer les fesses au poêle et siroter le café de Calla. Elle savait s'y prendre avec la clientèle. Elle avait un physique ample, avenant, confortable : avec elle, on se sentait entre de bonnes mains, elle rassurait. Elle n'avait pas besoin de John, pas au magasin du moins. En vérité, John était en train de perdre pied.
John affectionnait la bouteille. Tous les matins pendant trente ans, avant de prendre le chemin de l'étable, il avait arrosé son café de whisky. En hiver pour ne pas prendre froid. En été pour se donner du cœur à l'ouvrage. Et maintenant qu'il ne se levait plus à l'aube pour traire les vaches, il continuait à boire son café arrosé. 11 restait assis dans le magasin de Calla, à bavarder avec les habitués. Et une fois les habitués partis vaquer à leurs occupations, John était en général parti tout court. Cela ne plaisait pas telle­ment à Calla. Elle avait l'habitude d'un mari actif. Elle finit par lui déclarer qu'il avait besoin d'un intérêt clans la vie.
— Mais j'en ai un, et comment donc ! répliqua-t-il.
À cet instant, Calla fourgonnait dans le poêle à bois : penchée en avant, elle offrait une cible formida­blement tentante. John se projeta dans sa direction, bascula sur elle et lui enlaça la taille des deux bras.

Prise au dépourvu, elle se brûla la main au tisonnier. D'un vigoureux coup de reins, elle l'envoya bouler.
— Un intérêt qui éviterait que tu sois tout le temps dans mes pattes, rétorqua-t-elle sèchement en portant la brûlure à sa bouche.
— Tu disais jamais ça avant.
11 paraissait vexé. Bile l'avait blessé, regretta-t-elle, mais il s'en remettrait. Toutes les blessures finissaient par guérir. Presque toutes en tout cas.
— Avant, j'avais même pas le temps de remar­quer. T'as rien de mieux à faire que de te rouler dans un lit avec moi ?
Non qu'il déplût à Calla de se rouler dans un lit avec son mari. Au contraire, ça lui plaisait encore plus aujourd'hui qu'hier. Mais pas question d'y passer toute la sainte journée, rien que parce que monsieur n'avait rien de mieux à faire. Alors que le magasin, lui, ne désemplissait pas.
John s'en retourna au comptoir, où il retrouva sa tasse de café. Il s'en versa une autre, et l'arrosa généreusement.
— En effet, il y a quelque chose d'autre qui m'intéresse, annonça-t-il d'un air pincé. Et je vais m'y atteler tout de suite.
Il embarqua sa tasse de café et sa bouteille, plus ses deux autres bouteilles cachées derrière le comptoir, plus un paquet de biscuits ' et deux boîtes de tabac Prince Albert. Et il s'enferma dans la grange, dont il ne sortit pas pendant trois jours. Quand il jugea qu'il avait été assez soûl suffisamment longtemps, et qu'il n'y avait plus aucune raison de prolonger cet état, il revint à la maison, se plongea dans un bain chaud et se rasa de près. Ce jour-là, il mura la véranda de derrière et peignit une seconde enseigne.
— Qu'est-ce que tu fabriques ? lui demanda Calla, les mains sur les hanches, dans l'attitude de la femme-qui-attend-une-réponse.
— J'ai un nouvel intérêt dans la vie, l'informa John Moses. Dorénavant, tu auras tes affaires et moi j'aurai les miennes, et ni l'un ni l'autre n'aura le droit de fourrer son nez chez autrui. Tu ouvres à l'aube et fermes le soir, j'ouvrirai le soir et fermerai à l'aube. Tu ne seras plus obligée de te rouler dans notre lit avec moi, puisque nous n'aurons plus les mêmes horaires de lit.
— J'ai jamais dit que je voulais plus me rouler dans notre lit avec toi.
— Tu m'en diras tant !
Sans attendre que la peinture sèche, il ramassa son enseigne, grimpa sur son escabeau et décora le dessus de la porte de derrière. La peinture avait coulé, mais on distinguait quand même : Never Closes '.
Le Never Closes proposait de la bière, du vin, de l'alcool fort, sept nuits par semaine, jusqu'à l'aube. Columbia étant un comté sec - la vente d'alcool était illégale -, John évitait juste d'employer le mot « vendre ». Il offrait à boire à ses amis, un point c'est tout. Un don, en quelque sorte. Puis, à la fin de la nuit, ses « amis » s'alignaient et lui offraient à leur tour chacun un petit cadeau. Cinq dollars, dix dollars, ou bien la somme figurant sur le vieux calepin tout délabré de John.

Le shérif du comté et quelques adjoints prirent l'habitude de faire un saut après le service. À eux, John ne vendait vraiment rien, se contentant de leur verser ce qu'ils voulaient - C'est la maison qui paie. Ces gars-là n'ayant jamais vu couler autant d'alcool à l'œil, il y avait forcément beaucoup d'autres choses qu'ils ne voyaient pas. Mais comme, en d'autres cir­constances, leur vue était plutôt basse, cela n'étonnait personne.
John Moses ne tarda pas à récolter son propre lot d'habitués qui venaient jouer aux dominos ou au bil­lard. Us discutaient religion et politique et se racon­taient des histoires cochonnes. Ils chiquaient et crachaient dans les boîtes à café que John disposait çà et là à cet usage, et fumaient jusqu'à rendre l'air si dense et épais qu'on aurait pu le couper en tranches.
John tirait de cette entreprise une fierté amère. Il aurait volontiers tout laissé tomber sur un coup de tête, abattu ses murs, brûlé son enseigne et envoyé au diable ses habitués, si seulement Calla s'était excusée, mais elle avait été piquée dans son orgueil. Un gouffre s'était ouvert entre eux, et se remplissait rapidement de silence.
Au bout d'un certain temps, Calla décida à son tour que son magasin resterait ouvert sept jours sur sept. Certains clients sortaient de chez elle, contournaient la maison, rentraient par la porte de derrière, et liqui­daient la monnaie des commissions au comptoir du bar. Parfois, l'inverse se produisait : à l'aube, les clients sortaient en titubant de la porte de derrière et faisaient le tour de la maison (la fréquence des pas­sages avait tracé un sentier) pour rentrer par la porte de devant. Ils dessoûlaient grâce au café de Calla, puis dépensaient en épicerie l'argent qu'ils n'avaient pas bu.

Vous pouviez y passer à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit pour acheter ce dont vous aviez besoin, à condition d'avoir des besoins modestes. Et vous n'étiez jamais oblige de partir avant d'en avoir vraiment envie, puisque ni Calla ni John n'avaient le cœur de mettre quiconque à la porte, ce quiconque eût-il les poches vides. Nate Ramsey était ainsi resté presque une semaine, après que sa femme, Shirley, se fut mise à jeter leurs meubles par la fenêtre.
Ainsi allèrent les choses, jusqu'au jour où John Moses cassa sa pipe. Le Never Closes, les gens comp­taient dessus. Le bar représentait une certitude dans un monde incertain. Personne ne souhaitait le voir fermer ses portes, car dès que l'on change un clément d'un tout, tous les autres éléments se mettent à bouger et, assez vite, on ne sait plus où l'on en est.

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trad. Isabelle Chapman
28/04/2011 351 pages 20,00 €
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