I
LA SUCCESSION D’UNE DYNASTIE À L’AUTRE
Le 1er février 1328 mourut Charles IV, dit le Bel, roi de France. Et, rapportent les manuels d’histoire, son cousin Philippe VI de Valois lui succéda sur le trône.
Succession insolite, et imprévue treize ans plus tôt.
Treize ans plus tôt, exactement le 29 novembre 1314, Philippe IV rendait l’âme en donnant une leçon de conduite politique à son fils aîné, Louis le Hutin, persuadé que ce successeur désigné commençait un long règne. Certes, ce prince médiocre ne promettait pas un brillant gouvernement. Mais il avait vingt-cinq ans et jouissait d’une heureuse santé, ce qui le laissait prévoir indéfiniment sur le trône. Encore aurait-il trouvé la mort trop tôt, il comptait deux successeurs éventuels chez ses frères cadets, tous deux déjà majeurs : Philippe le Long et Charles le Bel. La fin de la dynastie capétienne n’était pas pour le lendemain.
Or, il advint que Louis X le Hutin termina son règne au bout de dix-huit mois. Par une mort inopinée : à vingt-six ans. Sans fils pour hériter de son trône. Ou plutôt, sans fils actuel. Car la reine Clémence était enceinte, et pouvait fort bien, quatre mois plus tard, enfanter un fils qui serait proclamé roi. Tous attendaient avec impatience le dénouement de cette grossesse. Il eut lieu le 14 novembre 1316, et la reine accoucha d’un fils qui fut proclamé roi sous le nom de Jean Ier. Il n’y avait pas d’interrègne, la dynastie continuait son cours.
Ce cours fut vite interrompu : le roi Jean mourut à son tour au bout de cinq jours. Cette fois, le trône était vacant. Pour la première fois depuis plus de trois siècles, un roi capétien mourait sans héritier. Hugues Capet, dès l’année de son propre avènement, en 987, avait fait sacrer son héritier, Robert II1, lui assurant le caractère religieux qui le désignait pour régner. Robert II agit de la même façon avec son fils Henri Ier, et ainsi jusqu’à Philippe Auguste (†1223) qui, voyant sa dynastie solidement établie, estima que cette précaution était devenue inutile : la qualité de fils aîné du roi défunt suffisait désormais à accéder à la succession au trône.
À la mort de Jean Ier, il n’y avait pas de fils aîné. Il y avait toutefois une fille unique, née du mariage de Louis X avec sa première épouse, Marguerite de Bourgogne. À défaut d’héritier, le trône avait une héritière. Le fait que ce cas apparaissait pour la première fois depuis trois siècles ne pouvait lui ôter cette qualité. Jeanne avait d’ailleurs hérité déjà, dès la mort de son père, de la couronne de Navarre, transmise de père en fille : le roi Henri Ier de Navarre avait à sa mort, en 1274, transmis sa couronne à sa fille Jeanne Ire, devenue ensuite l’épouse de Philippe le Bel ; Jeanne Ire (†1305) l’avait transmise à son fils Louis Ier, devenu le roi Louis X de France, lequel (†1316) l’avait transmise à sa fille Jeanne II.
Sanctionnant cette coutume, Louis X avait publié un édit qui assurait à son frère cadet Philippe l’hérédité de ses filles pour le comté de Poitiers :
Extraits
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