CHAPITRE 1
Direction régionale de la gendarmerie, Amiens
Lundi 4 mai 2015 – 8 h 04
Chaque premier lundi du mois, deux hommes d’une unité spécialisée de la section de recherches d’Amiens héritaient de leurscold case, ces affaires qui n’avaient jamais été résolues et qui moisissaient dans des cartons depuis des années alors que le juge d’instruction avait renoncé et que les familles des victimes perdaient lentement l’espoir d’obtenir justice.
Pour une région comme la Picardie, la création d’une unité dédiée aux affaires non résolues n’était pas passée inaperçue. Le succès retentissant de l’affaire Élodie Kulik1 avait d’office qualifié la section de recherches d’Amiens pour piloter l’essai à titre expérimental avant une possible extension au territoire entier.
Tous les mois, le commandant Franck Brissy attribuait de nouvelles affaires au capitaine Sébastien Caron et à l’adjudant Kevin Lelong, le duo de gendarmes qui composaient son unité.
Franck Brissy, Antillais de 44 ans aussi grand qu’athlétique, avait passé une partie de sa carrière en brigade d’intervention avant de décrocher le galon de commandant et de se voir confier la tête de la section de recherches d’Amiens. Fort de ses états de service, il avait été choisi pour piloter la nouvelle unité spécialisée dans les affaires non résolues mais sa nomination avait fait grincer des dents. Le poste était âprement convoité et Brissy avait un handicap de taille. Plus encore que sa couleur de peau, son homosexualité aurait pu constituer un frein à sa carrière.
Son orientation sexuelle était de longue date connue de tous et, au demeurant, parfaitement assumée par l’intéressé. L’officier supérieur avait mis un point d’honneur à l’officialiser dès son arrivée à la section de recherches et les gendarmes affectés sous ses ordres savaient parfaitement à quoi s’en tenir. Certains carriéristes jaloux médisaient encore sur lui (« Black et PD, il a dû en lécher des culs pour réussir »), mais en coulisse, il se disait que Brissy avait ce dont certains hétéros manquaient cruellement.
Les affaires assignées à l’unité n’étaient pas choisies au hasard. L’unité des affaires non résolues ne s’intéressait qu’aux crimes de sang dont les responsables n’avaient jamais été appréhendés. Sébastien Caron et Kévin Lelong, le binôme d’enquêteurs, travaillaient ordinairement sur deux à trois affaires en même temps. Les premiers jours, l’unité procédait à une lecture complète des dossiers et définissait les objectifs. Parfois, des analyses ADN étaient relancées en laboratoire, ce qui ménageait du temps pour réentendre des témoins ou approfondir une seconde affaire en attendant le retour des résultats du laboratoire scientifique. Quelle que soit l’ampleur de la tâche, l’unité disposait d’un mois pour mettre à jour des éléments nouveaux.
À défaut, le dossier retournait chez le juge d’instruction qui prononçait alors un non-lieu.
Extraits
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