À MOM ET GRANDMA,
MERCI DE M’AVOIR TOUJOURS ENCOURAGÉ
À TOUCHER LES ÉTOILES
ET MONTRÉ COMMENT ME FAIRE ENTENDRE.
Voilà comment ça s’est passé.
Au début, c’est juste nous quatre : mes deux meilleurs potes, Ivy et Guillermo (G-mo), mon frère Tyler, et moi. On traîne dans les rayons d’un petit drugstore en rappant Feel de Kendrick Lamar, ma chanson préférée. On se remplace à tour de rôle pour gueuler les strophes bien fort. Chacun choisit une barre chocolatée et des chips. Pour moi, ce sera un paquet de Lay’s au vinaigre, un rouleau de pastilles à la menthe pour me rafraîchir la bouche, et un grand Kit-Kat. On va à la caisse, on paye nos achats. Je suis plutôt content de rentrer à la maison avec eux et de manger devant Campus Show, notre série fétiche.
D’habitude, Tyler ne traîne pas avec nous (on est trop geeks pour lui), mais c’est sa façon d’entretenir le lien, sa façon de me dire : « Je t’aime, frangin », même si ces mots ne sortent jamais de sa bouche. On quitte la boutique en chantant l’air de notre série, cette fois-ci. Tyler se marre et lève les yeux au ciel. On se rend compte qu’on a traîné trop longtemps, parce que le soleil est déjà couché et que la nuit tombe.
Ça énerve un peu Tyler. Il vérifie nos portables comme s’il attendait un message important ou un appel.
Notre quartier s’appelle Sterling Point. Les réverbères flottent au-dessus des brumes de cannabis, les rues et les allées sont défoncées par les nids-de-poule, les nains de jardin sont criblés de balles. Tout est moche, merdique, sauf les fresques peintes sur les murs représentant des African Queens à la tête haute ou Tupac avec son petit sourire. Finalement, je trouve que cette laideur a sa beauté, j’ai appris à l’apprécier.
Tyler, G-mo et moi enfourchons nos vélos, Ivy saute sur son skate. On serre notre bouffe contre nous, comme si on avait peur de se la faire piquer en route. C’est là que, à un bloc de chez moi, ce gars marche vers nous, un sac à la main. Il arrive de 9th Street.
Je ralentis d’abord, puis je freine complètement. Je le connais. Il a la tête de n’importe quel blanc de Sojo High. Maigrichon, triste comme s’il ne se sentait jamais chez lui. Je crois qu’il était avec moi en Seconde. On ne s’est jamais parlé en dehors des cours, mais on partageait les partitions en musique.
J’ai entendu des tas de trucs horribles à propos des gens qui marchent seuls le soir dans la rue, des histoires de disparition. Du coup, je m’apprête à l’avertir, même de lui proposer de venir avec nous regarder Campus Show, mais brusquement, venus de nulle part, des coups de feu. Bang ! Bang ! Bang !
Rapides. Percutants. Encore. Encore.
Le petit blanc maigrichon plonge par terre en se protégeant la tête.
— Putain, c’était quoi ? crie G-mo.
Je m’écroule, le vélo me tombe dessus, je me rattrape d’une main. Ça se brouille devant mes yeux, je vois trouble, comme si on avait drogué le Kool-Aid que j’ai bu cet aprèm. Je repousse ma bécane. Une forte douleur à la tête, comme si je m’étais cogné contre le trottoir.
Extraits
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