#Roman francophone

Une joie féroce

Sorj Chalandon

Jeanne est une femme formidable. Tout le monde l'aime, Jeanne. Libraire, on l'apprécie parce qu'elle écoute et parle peu. Elle a peur de déranger la vie. Pudique, transparente, elle fait du bien aux autres sans rien exiger d'eux. A l'image de Matt, son mari, dont elle connaît chaque regard sans qu'il ne se soit jamais préoccupé du sien. Jeanne bien élevée, polie par l'épreuve, qui demande pardon à tous et salue jusqu'aux réverbères. Jeanne, qui a passé ses jours à s'excuser est brusquement frappée par le mal. " Il y a quelque chose " , lui a dit le médecin en découvrant ses examens médicaux. Quelque chose. Pauvre mot. Stupéfaction. Et autour d'elle, tout se fane. Son mari, les autres, sa vie d'avant. En guerre contre ce qui la ronge, elle va prendre les armes. Jamais elle ne s'en serait crue capable. Elle était résignée, la voilà résistante. Jeanne ne murmure plus, ne sourit plus en écoutant les autres. Elle se dresse, gueule, griffe, se bat comme une furie. Elle s'éprend de liberté. Elle découvre l'urgence de vivre, l'insoumission, l'illégalité, le bonheur interdit, une ivresse qu'elle ne soupçonnait pas. Avec Brigitte la flamboyante, Assia l'écorchée et l'étrange Mélody, trois amies d'affliction, Jeanne la rebelle va détruire le pavillon des cancéreux et élever une joyeuse citadelle.

Par Sorj Chalandon
Chez Grasset & Fasquelle

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Genre

Littérature française

À Stéphanie

1.
Une vraie connerie
(Samedi 21 juillet 2018)
J
’ai imaginé renoncer. La voiture était à l’arrêt. Brigitte au volant, Mélody à sa droite, Assia et moi assises sur la banquette arrière. Je les aurais implorées. S’il vous plaît. On arrête là. On enlève nos lunettes ridicules, nos cheveux synthétiques. Toi, Assia, tu te libères de ton voile. On range nos armes de farces et attrapes. On rentre à la maison. Tout aurait été simple, tranquille. Quatre femmes dans un véhicule mal garé, qui reprendrait sa route après une halte sur le trottoir.
Mais je n’ai rien dit. C’était trop tard. Et puis je voulais être là.
Brusquement, Mélody s’est redressée. Elle a enlevé ses lunettes noires.
Brigitte venait de sortir une arme de la boîte à gants.
— Mais putain ! Qu’est-ce que c’est que ça ? Tu es dingue ! a crié Assia.
— Il en faut toujours un vrai, au cas où.
— Un vrai quoi ? j’ai demandé.
Assia s’est tassée dans son siège, elle avait remonté le voile sur son nez et fermé les yeux.
— Elle a emporté un vrai flingue.
Puis elle s’est dépliée lentement, main tendue par-dessus le dossier du siège.
— Donne-le-moi, s’il te plaît.
Brigitte ne lui a pas répondu. Ses doigts tapotaient le volant. Assia était livide.
— Tu es complètement timbrée !
Garée sur le trottoir, la voiture gênait les passants. Une mère et sa poussette, un vieil homme, des enfants. Un jeune à casquette a eu un geste mauvais.
— Connasses !
Alors Brigitte a ouvert brutalement sa portière.
— On y va !
Elle avait volé le véhicule la veille, dans un parking de Stains.
— On ne laisse rien traîner !
— Complètement dingue ! a grincé Assia.
J’ai remis ma perruque. Mélody ses gants.
— Lunettes !
Brigitte me regardait. J’ai sursauté.
— Mets tes lunettes, Jeanne.
— Oui, pardon.
J’ai respiré en grand. Je tremblais. Mélody est sortie. Assia l’a suivie.
Elle a regardé Brigitte, restée tête nue. Sa perruque et son masque étaient trop voyants pour la rue. Elle se déguiserait sous le porche. En attendant, Mélody et elle joueraient les touristes.
Assia a filé sur le trottoir, bouche mauvaise, regard animal. S’est retournée.
— Jeanne ?
Je l’ai rejointe en trottinant. Nous nous sommes mises en marche en direction de la place Vendôme. Elle, vêtue de la longue robe noire des musulmanes, d’une veste à épaulettes et brandebourgs dorés, hijab bordeaux, gantée de soie, élégante, racée. Et moi, petite chose en tailleur strict, cheveux bruns au carré, lunettes de vue à double foyer, transportant un sac de courses à la marque prestigieuse, pochette monogrammée coincée sous l’aisselle. Une princesse du Golfe et sa secrétaire, cœurs battants, longeant les boutiques de luxe, les immeubles écrasants.
— On est en train de faire une vraie connerie, m’a soufflé Assia.
— Une vraie connerie, j’ai répondu.
Sept mois plus tôt…
2.
La dame au camélia
(Lundi 18 décembre 2017)
Tout se passerait bien. Une visite de routine.
— On va commencer, madame Hervineau. Si je vous fais mal, dites-le-moi.
J’étais torse nu, debout, face à l’appareil, ma main tenant la barre.
— Levez bien le menton, a demandé la manipulatrice.
Mon sein gauche était comprimé entre deux plaques.
— On ne bouge plus.
Elle est retournée derrière sa vitre.
— Ne respirez pas.
— Pardon.
Je n’ai plus respiré.
Il y avait eu cette douleur au sein gauche, au moment de fermer mon soutien-gorge.
— La preuve que tout va bien, avait plaisanté ma gynécologue.
Pour elle, le mal disait souvent des choses sans importance.
— C’est lorsque la grosseur est indolore qu’il faut s’inquiéter.
J’ai insisté. Il me fallait une mammographie, une radio, la preuve que tout allait bien. Nous nous étions vues un an plus tôt. Rien n’avait été décelé. Pourquoi recommencer ?
— Pour ne plus en parler, j’ai répondu.
Elle a haussé les épaules. Puis fait une ordonnance.
Trois jours après, j’étais là, sein écrasé, à attendre.
— Lâchez la barre. Respirez normalement.
Je suis retournée dans mon vestiaire. On m’a demandé de ne pas remettre mon soutien-gorge. Ni mes bijoux. Mon chemisier était glacé. J’ai regardé mes mains. Je tremblais. C’était un examen de contrôle, je n’avais rien à craindre mais je tremblais.
— On va quand même faire une écho, m’a annoncé le médecin.
Il a dit ça comme ça. D’une voix morne. Un homme jeune, affairé. Il a passé le gel sur mes seins comme on se lave soigneusement les mains avant de se mettre à table.
— Vous avez froid ?
Je n’ai pas répondu. J’ai hoché la tête. Je tremblais toujours. J’observais le radiologue sans un regard pour moi. Il passait la sonde sous le sein, autour du mamelon, les yeux sur son moniteur. Photo, photo. J’ai fermé les yeux. Photo, photo. J’avais souvent été palpée mais tout s’était toujours arrêté là. Quelques mots de politesse, une poignée de main avec l’assurance de se revoir.
Personne ne m’avait jamais fait d’échographie.
— Ah, il y a quelque chose, a murmuré le médecin.
Silence dans la pièce. Le souffle de la machine. Le cliquetis des touches. Et ces mots.
— Quelque chose.
J’ai fermé les yeux. J’ai cessé de trembler.
La sonde courait sur moi. Un animal qui joue avec sa proie.
— Oui, il y a quelque chose, a répété le radiologue.
Et puis il a rangé son matériel, me tendant des mouchoirs en papier.
Je suis restée couchée. J’essuyais le gel lentement, autour de la douleur.
— Agathe, voyez s’il y a de la place pour une ponction.
Son assistante a hoché la tête.
— Aujourd’hui ?
— Oui, demandez à Duez s’il peut nous caser entre deux.
Et puis il est parti. Il a quitté la pièce, en jetant ses gants dans une poubelle.
La jeune femme m’a fait asseoir.
— Quelque chose.
Je me suis demandé ce qu’il y avait après cette chose-là. Mon sein gauche avait quelque chose. J’ai pensé à la mort. La phrase cognait ma tête. Je ne respirais plus. Quelque chose. Une expression misérable, dérisoire, tellement anodine.
Je n’avais plus de jambes. Plus de ventre. Plus rien. J’étais sans force et sans pensée. Autour de moi, la pièce dansait.
Lorsque la jeune femme a voulu m’aider à descendre, j’ai relevé la tête.
— Je pleure quand ?
— Maintenant, je suis là pour ça.
Alors j’ai pleuré. Elle a pris mes mains.
— Il n’y a peut-être rien, juste un kyste.
Mes yeux dans les siens. Elle n’y croyait pas.
« Voyez s’il y a de la place pour une ponction. »
Les mots du médecin. Une ponction, la crainte du pire.
Agathe m’a installée sur une chaise.
Elle m’a apporté des bonbons pour la chute de glycémie, après la biopsie.
— Je saurai si c’est gentil ou méchant ?
Elle s’affairait à rien. Rangeait des instruments qui m’étaient inconnus.
— Non. Il faudra attendre les résultats.
— Le médecin ne me dira pas ?
— C’est l’analyse qui vous le dira. Lui, il va se faire une idée. En fonction de la consistance de ce qu’il aspire. Mais cela ne vaut pas un résultat.
— Mais il aura quand même une idée ? Il pourra me le dire, vous croyez ?
— Vous pourrez toujours lui demander.
Elle m’a raccompagnée à mon box. Je me suis assise sur le banc. Je n’arrivais pas à remettre mon chemisier, à boutonner mon gilet. Je suis allée aux toilettes. Mon visage dans le miroir. Ma peau grise. Mes lèvres, un simple trait. J’ai passé de l’eau sur mes yeux. Je me répétais que tout irait bien, mais rien n’allait plus. J’avais un cancer. Je le sentais en moi. J’aurais dû demander à Matt d’être là mais il aurait refusé.
— Tu m’as dit toi-même que c’était un simple contrôle.
Parfois, je prenais sa main pour traverser la rue. Il n’aimait pas ce geste. Il n’en comprenait pas l’importance. Et je n’osais pas lui dire que j’avais besoin de lui. Je me souviens de ma main d’enfant, cachée dans celle de mon père. Et celle de notre fils, brûlante dans la mienne, chétive comme un moineau. Aujourd’hui, ne restait que la main de Matt. Et il ne me la donnait plus.
— Jeanne Hervineau ?
C’est moi.
Incision, prélèvement, trois coups secs. Quelques minutes seulement.
Le Dr Duez ne m’a rien dit. Rien d’important.
— De toute façon, il faudra enlever la grosseur.
C’était tout. Et aussi que j’en parle à mon médecin traitant, assez vite.
— Je ne vous lâche pas. Je suis là, avait rassuré Agathe.
Elle a posé la main sur mon bras.
— C’est quoi votre stratégie ?
Je l’ai regardée. Pour la première fois depuis mon arrivée à la clinique, quelqu’un employait un terme militaire. J’ai observé mes jambes ballantes, mes pieds nus, le sol carrelé. Je me suis dit que j’étais en guerre. Une vraie. Une bataille où il y aurait des morts. Et que l’ennemi n’était pas à ma porte mais déjà entré. J’étais envahie. Ce salaud bivouaquait dans mon sein.
— Vous allez faire quoi, Jeanne ?
— Je vais appeler mon mari, pleurer un bon coup et attendre de voir.
Elle a souri.
— C’est un bon plan. Appelez-moi en cas de besoin.
Lorsque j’ai quitté la clinique, sept patientes attendaient. J’avais lu qu’une femme sur huit développait un cancer du sein au cours de sa vie. Il était là, l’échantillon. Huit silences dans une pièce sans fenêtre. Huit poitrines à tout rompre. Huit regards perdus sur des revues fanées. Huit naufragées, attendant de savoir laquelle d’entre nous.
Ce matin, il avait plu. Une sale pluie d’hiver giflée de grésil. Mais c’est le soleil qui m’a accueillie dans la rue. J’avais appelé Matt, trois fois. Trois fois tombée sur son répondeur. Il devait sortir de table. J’avais besoin de lui, pas de sa voix. Et puis lui dire quoi ?
— Mauvaise nouvelle, j’ai peut-être un cancer. Rappelle-moi s’il te plaît.
Je n’ai pas pris le métro. J’ai marché. Ce matin, j’étais une fille rieuse de 39 ans. Cet après-midi, une femme gravement malade. Six heures pour passer de l’insouciance à la terreur. Je n’arrivais pas à regarder les autres. J’avais peur qu’ils comprennent que je n’étais plus des leurs. Le temps avait basculé. Tout empestait Noël. Les vitrines, les rues, les visages. Je suis entrée dans une papeterie. Il me fallait un cahier, un épais à spirale pour noter ce qui me serait dit. Comprendre ce que j’allais devenir. Je l’ai choisi avec une couverture bleue. Le bleu du ciel, lumineux et gai. Mon premier acte de résistance.
*
Matt s’est lourdement assis dans son fauteuil.
Il m’avait écoutée débout, et puis il s’est assis.
— Merde !
C’est tout ce qu’il a dit. Il s’est assis avec son écharpe, son manteau. J’avais attendu qu’il passe la porte pour tout lui dire. Je l’ai cueilli comme ça, sur notre seuil. Je n’avais plus de larmes. Seulement les mots du radiologue, les gestes de son assistante, mon désarroi.
J’avais pris rendez-vous avec mon médecin. Le lendemain, en urgence.
— Demain, je suis en déplacement, a répondu mon mari.
Il quittait la maison plusieurs jours par mois. Celui-là tombait mal.
— Tu ne pourrais pas repousser ?
Une grimace qui disait non. Il était désolé, vraiment. C’est lui qui avait eu l’idée de ce déjeuner de travail, lui qui avait proposé Londres pour que ses clients n’aient pas à se déplacer, lui qui avait fixé l’ordre du jour, choisi ses collaborateurs. C’était son dossier. Personne d’autre que lui ne pouvait le régler. Mais il serait là le jour d’après, promis. Et il me téléphonerait, il faudrait tout lui expliquer.
Il s’est relevé. A enlevé son écharpe, son manteau. J’étais toujours debout au milieu du salon.
— Tu ne te doutais de rien ?
Son dos, devant la penderie. Lorsqu’il était inquiet, il retrouvait l’accent canadien de sa mère.
— Pardon ?
— On les sent ces choses-là, non ? Tu n’as rien vu venir ?
Rien, non. Rien de grave. À part la boule et cette douleur qui faisait sourire ma gynécologue.
— Et c’est vraiment ce qu’ils croient ? Tu ne pourrais pas avoir une bonne nouvelle ?
J’ai secoué la tête. Le matin je n’avais aucune crainte. Au soir, je n’avais plus de doutes.
Il m’a observée, comme s’il me découvrait au milieu de son appartement.
— Qu’est-ce que tu vas faire ?
Je n’ai pas répondu. J’avais espéré qu’il me prendrait dans ses bras. Depuis la mort de notre fils, il ne l’avait plus fait. Je ne lui en voulais pas. Mais aujourd’hui, juste une fois. Serrer sa femme malade, lui murmurer que tout irait bien. Qu’il était là. Qu’il serait à mes côtés, toujours. Et qu’il me dise ce que nous allions faire.
Il est allé dans la chambre préparer sa valise.
Puis il m’a proposé de sortir dîner. C’était au-dessus de mes forces.
— Alors je vais grignoter quelque chose, a-t-il dit simplement.
Je me suis couchée habillée sur le lit, dans l’obscurité de notre chambre. Il s’est assis à côté de moi. Sa main a hésité. Il a effleuré mon bras. Sa paume glacée.
— Tu sais que c’est un cancer qui se guérit très bien ?
« Je sais ! J’ai toujours eu de la chance ! »
Je l’ai pensé tout bas, mais je n’ai pas osé. Non, je ne savais pas. Je ne savais rien. Jusqu’à ce matin, le cancer était une grande cause nationale, un ruban rose dans un journal, un drame de roman, la triste fin d’une héroïne de téléfilm. Dans la vie, il y avait le cancer et moi. Lui d’un côté comme un chien teigneux, et moi très loin, là-bas. Qui mange sain, qui ne fume ni ne bois. Ce matin, le cancer c’était l’autre. J’allais devoir tout lire, tout apprendre, tout comprendre, tout redouter. Aux vacances de Pâques, une fidèle cliente de la librairie a été hospitalisée. On ne l’a jamais revue. Seulement sa photo, son regard au pied du cercueil. Elle s’appelait Nadine. Elle était professeur de français. Elle est morte à 48 ans, du cancer qui se guérit très bien.
Matt a quitté mon bras et il est descendu au café. Comme d’habitude, il commanderait une omelette champignons avec salade verte, un quart de chinon et une assiette de fromages. Il dînerait, les yeux sur son portable, répondant à ses mails comme s’il n’avait pas quitté l’agence. Je me suis demandé s’il parlerait de moi. Mais non. C’était trop tôt. Il terminerait un verre. Prenant garde à ne pas réveiller sa femme lorsqu’il rentrerait. Et aussi, à ne pas l’embrasser.
*
Il est rentré. Je ne dormais pas.
Sur la première page de mon cahier, j’avais écrit : « Suis-je en train de vivre le début de ma mort ? » Cette phrase, simplement. Pour mieux la combattre, j’ai aussi décidé de donner un nom à cette ordure. Le mot cancer était laid. Crabe ? Insupportable. Maladie ? Trop vague. On est malade d’un rhume, d’une grippe, d’un cœur fourbu, de la tête même, lorsqu’elle nous fait confondre les jours. Mais on n’est pas malade du cancer. Pas seulement. Malade ? Le mot est trop petit, trop étriqué. Tout le monde est malade, tout le monde est souffrant, un peu, beaucoup, à la folie. Le cancer n’est pas un rhume. Le cancer ne s’attrape pas, c’est lui qui vous attrape. Dans le mot cancer, il y a de l’injustice. De la traîtrise. C’est le corps qui renonce. Qui cesse de vous défendre. C’est une écharde mortelle. Un visiteur du soir que l’on voit se faufiler en tremblant. Il dormait sur votre seuil, comme un vieux chat fourbu. S’est installé sur le canapé. Puis dans votre lit. Puis s’est senti chez lui partout dans la maison. C’est l’importun. Le nuisible. L’ennemi intérieur. Celui qu’on n’a pas vu venir. Je me suis demandé si le mal était entré en moi par effraction ou si je lui avais offert l’hospitalité. S’il s’était invité ou si je l’avais accueilli.
Quel nom lui donner ? J’ai pensé au camélia. Un bouton rouge sang. Une fleur de décembre, le mois le plus éloigné du soleil. Voilà. Mon camélia. Mon hiver. Et aussi mes brumes, mes corbeaux sur la plaine, mes pluies infinies, mes brassées de chrysanthèmes à étouffer les morts.
Je suis entrée en brouillard comme on part au combat, en me rêvant avril.
*
Le Dr Hamm avait suivi mon père, ma mère et mon fils. Il m’avait connue enfant, et puis maman, et puis plus rien du tout. Une pelote de détresse qu’il lui a fallu dévider fil à fil. Il était au seuil de la retraite. Mais ne voulait pas encore abdiquer.
— Vous avez quarante-huit heures pour choisir une équipe.
C’est ce qu’il m’a dit.
— Une équipe ?
Il étudiait ma mammographie, mon écho. Il a enlevé ses lunettes et relevé la tête.
— On s’est toujours parlé librement Jeanne, non ?
Oui. Bien sûr. Pour ma mère, mon fils. Jamais Isaac Hamm n’avait hésité sur les mots.
— D’après vos résultats, c’est un cancer.
J’étais bouche ouverte.
— Je dirais, 90

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14/08/2019 315 pages 20,90 €
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