#Roman étranger

Les Belles Etrangères. Douze écrivains néo-zélandais, avec 1 DVD

Jenny Bornholdt, Geoff Cush, Alan Duff, Sia Figiel

Cette anthologie réunit des textes inédits des douze écrivains néo-zélandais les plus représentatifs de leur pays, invités à sillonner la France à l'automne 2006 à l'occasion des Belles Étrangères : nouvelles, extraits de romans, essais, poèmes, bande dessinée, autant d'invitations à découvrir des imaginaires nourris par leur territoire lointain. Par-delà les clichés des bons sauvages en pagne vivant au milieu des moutons, des rugbymen lançant leur cri de guerre ou des vans psychédéliques sillonnant les deux îles qui constituent le Pays du long nuage blanc - traduction de son appellation maori, Aotearoa -, les textes ici rassemblés rendent compte de la diversité kiwi. Qu'ils soient maori ou pakeha (d'origine européenne), les auteurs de cette anthologie, qui tous écrivent en anglais, interrogent de manière passionnante leur identité dans un monde globalisé. Comme le dit Pierre Furlan en conclusion de sa préface, " la Nouvelle Zélande ne dispose pas d'un continent et d'un vaste marché intérieur qui mettraient ses livres à l'abri du reste du monde. La conscience de se trouver à la lisière de l'univers l'oblige à une confrontation et une recherche constantes, un déplacement perpétuel qui, en réalité, sont partie intégrante du territoire littéraire, territoire dont les frontières sont indécises puisqu'elles passent par chaque lecteur. Et qui est fait de ces longs nuages blancs et de ces rêves encore plus longs qu'aucune carte géographique ne pourrait fixer. Ils arrivent tranquillement jusqu'ici. "

Par Jenny Bornholdt, Geoff Cush, Alan Duff, Sia Figiel
Chez Sabine Wespieser Editeur

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Genre

Littérature étrangère

AVANT-PROPOS

Lorsquon parle de littérature néo-zélandaise en France, on s’entend souvent demander en quoi elle se distingue de l’immense production anglophone en voie de mondialisa- tion. La question est si légitime que les écrivains de Nou- velle-Zélande n’ont pas manqué de se la poser eux aussi.

Je dis « Nouvelle-Zélande », mais ne devrais-je pas dire « Aotearoa », pour lui donner le nom que les Maori ont préféré au xxe siècle et qui signifie « long nuage blanc » ? Je pourrais même articuler les deux noms à la suite, comme on le voit souvent faire aujourd’hui. Cet accouple- ment aurait le mérite, me semble-t-il, non pas de laisser entrevoir un biculturalisme plutôt théorique, mais d’indi- quer une sorte d’hésitation entre deux cultures fondatrices et, ainsi, de rendre apparente la quête d’identité qui a toujours animé la littérature néo-zélandaise.

Dans les premiers temps de la colonie, le principal souci était d’amarrer la Nouvelle-Zélande aux îles britanniques. La ville de Dunedin se présentait en nouvelle Édimbourg et Christchurch en calque de l’Angleterre. Plus tard, exis- ter par soi-même allait impliquer une autre distance, exiger de regarder autour de soi et de se voir réellement dans le Pacifique avec un peuplement maori important. Ce fut là une des tâches de la meilleure littérature du début du xxe siècle. Jusqu’alors, les Maori ne figuraient dans le paysage culturel que par l’exotisme. Lydia Wevers a très bien parlé du paysage naturel transformé en décor sublime de carte postale ; elle relève que, dès 1880, l’agence de voyages Thomas Cook & Sons avait découpé le pays en « scenic wonderlands » pour favoriser le tourisme1. Puis on a vu des groupes maori exportés au Royaume-Uni pour des tour- nées de spectacle. La littérature ne pouvait pas longtemps se satisfaire de ce décor, et les écrivains sérieux ont dû, soit décider comme Katherine Mansfield (1888-1923) ou John Mulgan (1911-1945) de rejoindre l’Angleterre où ils esti- maient pouvoir être reconnus, soit, à la manière des poètes Denis Glover (1912-1980) et Allen Curnow (1911-2001), prendre leurs distances avec le pays d’origine pour enfin s’intéresser à ce qu’ils avaient sous les yeux. L’histoire de l’identité culturelle de la Nouvelle-Zélande est une naviga- tion. Elle rejoint ainsi, curieusement, la mythologie maori qui voyait dans l’île du Nord un poisson tirant le canot représenté par l’île du Sud -image qui a dû hanter l’inconscient de bien des écrivains. 

Dans ce pays où la mer n’est jamais à plus de soixante kilomètres, on sent toujours le vent du large avec plus ou moins de force : celui, froid mais pur, qui souffle de l’Antarctique, ou celui, plus lourd, des mers chaudes du nord. 

Les auteurs venus en France pour cette édition des Belles Étrangères participent tous, de manière différente, à cette navigation. Il y a ceux qui subvertissent l’histoire, tel Geoff Cush imaginant que la France aurait pu prendre possession de ces îles. Elle l’a tenté, timidement il est vrai, et la plus pittoresque de ces tentatives, celle du baron Charles de Thierry qui, vers 1840, se parait du titre de roi Pokeno de Hokianga, a fait l’objet d’un roman historique de Robin Hyde1 assez attachant. Mais Geoff Cush, en imaginant dans son roman Graine de France le pays sous tutelle française, ne cherche pas à résoudre un problème : il se contente de jeter une autre lumière sur sa société. Fiona Kidman, pour sa part, décide, dans Rescapée, son dernier roman, de réévaluer le début des relations entre Européens et Maori à travers le récit de l’enlèvement d’une immigrante britannique par une tribu maori. Elle se met ainsi en mesure de redresser une vision singulière- ment déformée par des siècles de préjugés. Un souci ana- logue anime le romancier James George, écrivain qui a choisi d’être maori même si certains de ses ancêtres sont pakeha, c’est-à-dire issus de l’immigration européenne. (Bien des jeunes qui ont reçu les deux héritages font aujourd’hui le choix d’Aotearoa avant New Zealand.) James George est l’un de ceux qui ne se contentent pas de décrire la situation toujours difficile d’une partie des Maori. Dans son roman Hummingbird, il examine le combat que les Maori ont livré en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, et il leur rend la fierté de leur engagement. Tâche également entreprise par des écrivains maori qui ne sont pas présents à ces Belles Étrangères, notamment par Patricia Grace dans son roman Tu. 

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09/11/2006 247 pages 20,30 €
Scannez le code barre 9782848050478
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