#Roman étranger

Les sept vies des chats d'Athènes

Takis Théodoropoulos

Les chats, paraît-il, ont sept vies. En grec, on dit qu'ils ont sept âmes. Dans ce récit, conte philosophique et satire politique à la fois, Takis Théodoropoulos imagine que les philosophes de l'Antiquité se sont réincarnés à Athènes... en chats de gouttière. Or, parce que les prochains Jeux olympiques se tiennent dans la capitale grecque en 2004 et qu'on ne plaisante ni avec la sécurité ni avec la salubrité, il est question de supprimer ces encombrants matous. C'est la philosophie qu'on assassine ! Branle-bas de combat au Comité de défense des sept-âmes : sous la houlette de leur président, le très charismatique et très séduisant M. Dimitracopoulos, ses membres, pour l'essentiel des dames d'un certain âge, se lancent, de sit-in en manifestation, de pétition en protestations, dans une rocambolesque défense et illustration des félins menacés... et donc des valeurs de la Grèce éternelle. Drôle, incisif et truculent, ce petit livre s'achève par les biographies imaginaires des chats philosophes, joyeuses occasions de revisiter ses classiques et de honnir à tout jamais les organisations internationales de tout poil.

Par Takis Théodoropoulos
Chez Sabine Wespieser Editeur

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Genre

Littérature étrangère

Contrairement au chien, pour qui la laisse et le collier font office d’attributs existentiels, le spectacle d’un chat attaché est aussi absurde que l’image d’un pingouin attendant son tour à l’entrée d’un cinéma. On ne saurait qualifier un chat, fût-il dépourvu de tout (domicile fixe, nom de baptême, prénom de la mère ou qualité professionnelle), de « pauvre clochard ».

Car les chats, ou plutôt les sept-âmes, n’ont que faire de brevet, particule ou pedigree. Ils n’éprouvent pas non plus le besoin de justifier leur existence par la démonstration de sentiments philanthropiques en escortant quelque mal- voyant ou en aboyant afin de protéger la fortune de leur maître.

Le chat n’aboie jamais. Il n’agite pas non plus la queue en signe de reconnaissance. Car le chat est un chat. Qu’il soit matou, minet ou simple chat de gouttière, il demeure ce félin indomptable qu’il n’a jamais cessé d’être. 

Telles étaient, grosso modo, les convictions animant les adeptes du Cercle des sept-âmes, société à but non lucratif ayant son siège dans cette maison rénovée de style néo- classique, aux fenêtres grenat, sise rue Phidiou, dans le centre d’Athènes. Ses membres ¢ des dames âgées pour la majorité d’entre elles ¢ n’étaient pas comparables aux banales dames patronnesses qui nourrissent les chats errant dans les parcs ou les terrains vagues. Elles, elles avaient su rationaliser leur passion et, grâce à l’apport édifiant de M. Ioannis Dimitraco- poulos, président et maître spirituel de l’organisation, elles rivalisaient de citations savantes et d’exemples historiques afin d’étayer leur doctrine. À l’inverse des historiens académi- ques, lesquels, par déformation professionnelle, surévaluent l’importance d’événements tels que guerres mondiales, théorie de la relativité ou peinture de Pablo Picasso, ces dames croyaient dur comme fer - et nul ne pouvait les en faire démordre - que l’événement le plus marquant du xxe siècle avait été la disparition du chat de gouttière de nos cités européennes. 

Elles n’hésitaient pas à parler de génocide et fulminaient contre ces ménagères qui, pour s’attirer quelques ronrons satisfaits, en viennent à provoquer chez leurs adipeux châtrés 

dégénérescence émotive et syndromes boulimiques. « Devant la télévision, les chats se meurent d’ennui ! » scandaient-elles, non sans pleurer ce bon vieux temps où l’épouvantail du communisme n’avait pas rendu les armes, vaincu par l’angoisse du taux de cholestérol et la surconsommation de vitamines. 

Oui. Les sept-âmes aujourd’hui courent un grave danger. Vont-ils disparaître comme l’Empire romain, qui s’est écroulé parce que l’usage du plomb dans la fabrication des ustensiles de cuisine causait, chez les malheureux maîtres de l’univers, ramollissement et stérilité ? 

La solution leur appartenait. Et cette pensée dynamisait les adeptes. De simples dames, veuves pour la plupart ; voilà qu’elles se muaient en combattantes acharnées, prêtes à sacrifier leur trop confortable existence afin de voir se réaliser leurs nobles desseins. 

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trad. Gilles Decorvet
10/06/2004 154 pages 18,25 €
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