#Roman étranger

L'histoire de Chicago May

Nuala O'Faolain

Nuala O'Faolain s'empare du destin d'une jeune Irlandaise pauvre qui, en 1890, s'est enfuie de chez elle pour devenir une criminelle célèbre en Amérique sous le nom de "Chicago May". L'amour, le crime et un destin exceptionnel de femme au tournant du XXe siècle : tous les ingrédients du romanesque sont réunis. Tour à tour braqueuse, prostituée, arnaqueuse, voleuse et danseuse de revue musicale, May avait une beauté magnétique qui tournait la tête des hommes. Ses aventures la conduisirent du Nebraska, où elle côtoya les frères Dalton, à Philadelphie, où elle mourut en 1929, en passant par Chicago, New York, Le Caire, Londres et Paris, où elle fut jugée pour le braquage de l'agence American Express. Elle vécut sur un grand pied, fit de la prison, et écrivit même, dans le genre convenu des mémoires de criminels, l'aventure de sa vie. Partant de ce matériau, Nuala O'Faolain mène une enquête trépidante, tentant de saisir les motivations de cette énigmatique cœur d'Irlande, elle aussi exilée aux Etats-Unis. Car cette héroïne romanesque et sentimentale a payé au prix fort l'indépendance qu'elle a conquise contre les normes sociales. Ici l'écrivain nourrit de sa propre expérience une émouvante réflexion sur la quête d'une femme qui a décidé de sortir des sentiers battus, choisissant l'aventure et assumant la solitude.

Par Nuala O'Faolain
Chez Sabine Wespieser Editeur

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Genre

Littérature étrangère

Des millions de jeunes filles impertinentes, intelli- gentes ou non, affrontent chaque jour leur destin, et qu’est-ce que leur destin peut être, tout au plus, que nous devions faire tant de bruit à ce sujet ?

Imaginez une jeune femme en fuite. Ici, où les pentes des petites collines d’Edenmore sont bigarrées par des champs soyeux pas plus grands que des jardins et où, sur les lacs cachés en leur milieu, le soir -et elle n’aurait pas pris la fuite avant la tombée de la nuit -, des poules d’eau glissent en silence sur l’eau claire jusqu’à leur nid dans les roseaux. La maison où May naquit ne se trouvait sur aucune route. Mais, une fois en lieu sûr, elle pouvait prendre un chemin bordé de haies si chargées d’humi- dité que, même au printemps, leurs branches empêchent la lumière de pénétrer. Personne, à moins de se planter devant elle pour lui barrer le passage, n’aurait pu apercevoir sur le chemin plus que la pâleur d’un visage et le brillant d’une chevelure auburn au moment où son châle glissa en arrière. Et le dernier éclat de lumière accrochant les doigts blancs ¢ aux ongles sales, évidemment - qui serraient fortement le châle sous son menton. Mais les gens auraient entendu le martèlement régulier de ses bottillons tandis qu’elle courait vers eux et puis son halètement - en partie dû à la peur, en partie à l’allégresse - et le bruit du lourd balluchon frappant contre sa jupe. 

May était forte. Elle avait l’habitude d’effectuer de longs trajets pieds nus pour se rendre aux foires et en ville. Les kilomètres jusqu’à la petite gare où son père ne penserait pas à la chercher ne constituaient pas un problème pour elle. Pourtant elle ne devait pas être une coureuse rapide. Les canons de beauté de cette période - c’était en 1890 ¢ étaient féminins, et elle disait elle-même qu’elle était bien en chair. Elle était grande pour l’époque, et un homme, qui n’avait aucune raison de la flatter, affirma qu’elle était parfaitement proportionnée, ce qui signifie que ses hanches étaient aussi rondes que ses seins. Mais son visage contredisait son corps. Le goût d’alors allait aux femmes aux visages enfantins, et May remplissait totalement cet idéal - le même homme décrivit son « teint délicat de rose et de crème, ses grands yeux bleus ombrés de longs cils et sa bouche dont la lèvre supérieure formait un arc parfait ». Nous ne correspondons pas, de nos jours, à ce genre de description délicieuse, même si l’apparence de l’innocence produit toujours un effet très puis- sant. Cependant, la courbe harmonieuse d’une bouche ou la douceur de la naissance des cheveux sur un front ou une gorge blanche peut être d’un attrait presque douloureux même s’il ne s’agit pas d’une beauté classique. Ce devait être parce qu’elle possédait cette fraîcheur pétillante des filles de la campagne que May avait un grand charme physique. 

Son apparence joue un grand rôle dans son histoire. On dit, à Edenmore, qu’elle était une enfant brillante, une excellente élève. Mais c’était une fille, et sur quoi d’autre que sur son physique une fille qui ne possédait rien pouvait-elle fonder sa conviction qu’elle était exceptionnelle ? Et se serait-elle enfuie si elle ne s’était pas crue exceptionnelle ? 

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trad. Vitalie Lemerre
21/08/2006 443 pages 25,35 €
Scannez le code barre 9782848050430
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