Prologue
« La prison doit changer, la prison va changer ! », avait-il dit… Qui ? Nicolas Sarkozy, le 22 janvier 2007, en marge de sa visite du centre pénitentiaire pour femmes de Rennes.
Cette promesse du futur président de la République est venue confirmer l’engagement qu’il avait pris quelques jours plus tôt auprès des états généraux de la condition pénitentiaire.
À l’instar des autres candidats à la magistrature suprême, il s’était déclaré favorable à une grande réforme du système pénitentiaire et à la création d’une instance de contrôle des prisons indépendante.
Le nouveau chef de l’État a tenu parole. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a été instauré en octobre 2007 et la loi pénitentiaire votée en novembre 2009.
Mais la prison a-t-elle changé pour autant ?
Non, affirme Jean-Marie Delarue, nommé contrôleur général en juin 2008 : « La prison doit encore changer. »
« Tout reste à faire », ajoutent en écho Véronique Vasseur et Gabriel Mouesca.
Nous avons proposé à ces deux figures emblématiques – qui incarnent l’indignation et l’interpellation citoyennes sur la question carcérale – de porter un regard croisé sur la décennie écoulée. Leur dialogue – instructif, concret, polémique aussi – livre un éclairage inédit sur l’inertie scandaleuse des prisons françaises.
De cette chronique des années 2000, il ressort de façon saisissante que l’ambivalence du discours de Nicolas Sarkozy n’est que l’ultime avatar de l’ambiguïté profonde de l’ensemble de la classe politique face à la peine privative de liberté.
Comme si le sort réservé au nom du peuple français aux personnes incarcérées – autrement dit la vie quotidienne dans les geôles de la République – était indifférent à l’intérêt général.
Comme si la prison pouvait demeurer un no man’s land pour les principes et les valeurs portés haut et fort par la patrie de Droits de l’homme.
« Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d’une nation qu’en visitant ses prisons », écrivait Albert Camus. Encore faut-il – afin de se forger une opinion – parvenir à franchir leurs portes. Or l’administration pénitentiaire ne facilite pas, dans notre pays, l’exercice pour chacun de son droit de regard.
Véronique Vasseur et Gabriel Mouesca, eux, ont accepté de nous faire partager ce qu’ils savent de la prison.
Écoutons ce qu’ils nous disent.
L’éditeur
Née en 1951, Véronique Vasseur est l’auteur du témoignage choc Médecin-chef à la prison de la Santé1 paru en janvier 2000. Après neuf années d’exercice intra-muros, elle a démissionné de son poste en novembre, annonçant le même jour qu’elle rejoignait la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP) dont elle fut la trésorière entre 2001 et 2004. Depuis, on l’a vue – avec le courage, la franchise et le bon sens qui la caractérisent – raconter les réalités de l’hôpital2, de la pauvreté en France3, des campagnes électorales4, jouant à chaque fois le rôle (que beaucoup refusent d’endosser) du grain de sable empêchant de ronronner en silence et poussant à agir.
Extraits
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