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Philosophie
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« Qu’est-ce que peut bien être l’homme ? Que doit faire ou subir une telle nature, qui la distingue des autres êtres ?
Voilà ce que le philosophe cherche, voilà ce qu’il se donne tant de mal à explorer soigneusement. »
Platon, Théétète, 174 b.
PROLOGUE
L’humain en chantier
« Enfin, après s’être communiqué l’un à l’autre un peu de ce qu’ils savaient et beaucoup de ce qu’ils ne savaient pas, après avoir raisonné pendant une révolution du soleil, ils résolurent de faire ensemble un petit voyage philosophique. »
Voltaire, Micromégas, chap. II.
Humain, qu’est-ce que cela signifie ? En quoi consiste sa nature, sa définition ? Comment en délimiter les contours ? De quelle façon cerner ce qui le caractérise en propre ?
Mais aussi : faut-il « dépasser » l’humain ou, au contraire, le protéger ? Le respecter ou le transgresser, le transformer, le refaire ? Faudrait-il l’oublier, tourner la page, passer à autre chose ?
Quelle que soit la réponse donnée, il est nécessaire, chaque fois, de préciser ce qui la motive et la justifie. Au nom de quoi choisit-on de soutenir cet avis plutôt que tel autre ? Sur quel socle s’appuyer ? Quelle croyance, quel postulat, quelle valeur soutient cette position ? Voilà ce qu’il faut rendre explicite.
À quoi bon pareilles questions ? À quoi servent-elles ? Ont-elles même sens et même portée autrefois et aujourd’hui ? Parlent-elles, finalement, d’hier ou de demain ? De théorie ou d’action ? Les formule-t-on par plaisir ou par nécessité ? Juste pour savoir, ou bien pour décider, en fonction des réponses, d’emprunter tel chemin ou tel autre ?
Notre conviction : il est temps d’examiner ces interrogations, de les mettre en lumière, de rassembler les éléments des débats d’aujourd’hui, de les approfondir – à plusieurs, car tout cela, par définition, est trop vaste pour une seule tête. Il faut confronter les conceptions de l’humain, les mettre à l’épreuve des faits, se demander, selon les domaines, lesquelles résistent ou font voir autrement le paysage, lesquelles flanchent ou masquent l’essentiel.
Pourquoi faut-il donc ouvrir ce chantier ? Pour faire de la philosophie, uniquement ? Sûrement pas. Avec tout le respect qui lui est dû, la philosophie n’est pas une fin en soi. Disserter sur la définition de l’humain peut sans doute se révéler brillant, cultivé, érudit, intelligent ou subtil. C’est tout à fait vain si cela demeure simple dissertation, ou même, plus élaboré, discours théorique. Après tout, on sait depuis fort longtemps que l’humain n’est pas définissable, que pareille quête est vaine.
Dans la cacophonie des doctrines, tout a été dit et son contraire. Que l’humain est porteur d’une intelligence d’origine divine, qu’il est né du hasard et de la boue, qu’il est la plus souveraine des créatures, ou la plus vile et la plus détestable. Qu’il est d’abord et avant tout une âme, immatérielle et éternelle, qu’il n’est qu’un assemblage d’atomes, éphémère et périssable. Singe raté, roi de la création, ange et bête ou ni l’un ni l’autre, clown cosmique, artisan créateur, bouffon dément, démon vivant, enfant innocent et vieillard pervers, savant lumineux et prince des ténèbres… on lui a fait endosser toutes les panoplies. Aucune ne lui va. En tout cas durablement.
Extraits
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