Pour Fred, dans notre quarantième année
Préface
Derrière chaque histoire, il y en a une autre : celle de l’auteur et de la façon dont il en est arrivé à l’écrire. Dans l’introduction de chacune des nouvelles du présent recueil, j’espère vous faire partager un peu de ce qui se passait à ce moment-là dans ma tête et dans ma vie et qui m’a donné l’idée du sujet traité.
De même, il y a aussi une histoire derrière chaque livre, et celui-ci ne fait pas exception.
J’ai commencé ma carrière d’écrivain à dix-huit ans, comme auteur d’ouvrages pour enfants ; c’était du moins ce à quoi j’aspirais. Mariée depuis peu, je vivais dans un modeste village du nom de Chiniak, sur l’île Kodiak ; il comptait peu d’habitants, le commerce local faisait à la fois pompe à essence et magasin de proximité, et, à l’origine, je n’avais pas grand-chose à faire hormis nettoyer mon petit camping-car et partir pour d’interminables promenades le long de la plage avec mon chien, Idiot. Je savais depuis longtemps que je voulais devenir écrivain ; j’empruntai donc à ma belle-sœur une machine à écrire électrique portative, j’achetai une rame de papier, quelques feuilles de carbone, de grandes enveloppes marron timbrées à mon adresse pour les refus, et un numéro de Writer’s Market. Très vite, je soumis de courtes histoires à divers magazines pour enfants comme Humpty Dumpty, Jack and Jill et Highlights for Children, ainsi qu’à de nombreuses autres parutions à diffusion extrêmement restreinte. Au début, je reçus beaucoup plus de refus que de contrats, mais j’apprenais de chacun de mes contacts avec le monde de l’édition.
Au bout de dix années de ce régime, j’avais fini par comprendre qu’écrire pour les enfants représentait un travail très difficile et qu’il ne s’agissait pas seulement, comme je le croyais au début, d’aligner des mots le long d’une intrigue linéaire ; à force d’erreurs, j’avais appris qu’il existait un corollaire au fameux conseil qui dit d’écrire sur ce qu’on connaît : c’est écrire ce qu’on aime lire soi-même. J’étais une passionnée de longue date de fantasy et de science-fiction, mais l’idée de comparer mes textes aux écrits des auteurs que je portais au pinacle m’écrasait d’avance. Néanmoins, vers vingt-cinq ans, je me risquai à soumettre mes productions à des « fanzines », petits magazines publiés par des passionnés de ces deux genres littéraires ; certains n’étaient guère que des publications polycopiées ou photocopiées, tandis que d’autres allaient jusqu’à s’imprimer sur papier glacé, avec des illustrations. C’est dans ces fanzines que je fis mes armes en tant qu’auteur, et je dois une reconnaissance éternelle à des revues comme Space and Time et à des rédacteurs en chef comme Gordon Linzner.
Quand j’ai commencé à écrire de la science-fiction et de la fantasy pour adultes, je signais M. Lindholm, et cette simple initiale avant mon nom me satisfaisait pleinement. En 1978, je soumis à Jessica Amanda Salmonson une nouvelle qu’elle accepterait, espérais-je, de prendre pour sa revue indépendante Fantasy and Terror ; à mon grand ravissement, mais aussi à ma grande surprise, elle me répondit qu’elle aimerait l’inclure dans sa prochaine anthologie de fantasy féministe, intitulée Amazons ! Mais, selon elle, il fallait impérativement que les écrivains femmes se déclarent en tant que telles, et elle me demandait de mettre un prénom au lieu d’une initiale à ma signature. Je lui écrivis que je n’avais jamais beaucoup aimé mon vrai prénom, Margaret, et que je ne me reconnaissais pas non plus dans des surnoms du style Maggie, Peggy, Marge, etc. Après réflexion, j’ajoutai que Megan ne me déplaisait pas trop.
Extraits
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