Editeur
Genre
Littérature française (poches)
Je ne mourrai pas : j’ai un fils.
Proverbe arabe
Ils l’ont retrouvée comme ça. Nue et morte. Sur la plage d’un pays arabe. Avec le sel qui faisait des cristaux sur sa peau.
Une provocation.
Une exhortation.
À écrire ce livre, pour toi, mon fils.
I
UNE HISTOIRE D’AMOUR
Du mieux que je peux
Tout a commencé avec ta naissance. Pour toi.
Tout a fini avec ta naissance. Pour nous.
Moi, ton père. Elle, ta mère. Ta vie fut notre mort. La mort de ce nous, cette entité de chair et d’âme qui avait présidé à ta naissance : un homme et une femme qui s’aimaient.
La vérité, ça n’existe pas, comme tous les absolus qu’on n’atteint jamais.
Je ne peux te donner que ma vérité. Imparfaite, partiale, mais comment faire autrement ?
Il manquera toujours sa vérité à elle, sa version des faits, son ressenti, son timbre de voix si elle pouvait encore te parler, ses gestes, son style si elle avait choisi de t’écrire. Mais que je sache, concernant l’ultime période de sa vie, elle n’a laissé aucune bande, aucun enregistrement, ni lettre ni cahier. Rien, mais c’est peut-être déjà beaucoup, que ces tableaux cousus de fil bleu. Dans la profondeur desquels il faudra un jour que tu lises.
Je l’ai aimée et je l’ai détestée, ta mère, autant être franc avec toi. Même si ça ne te regarde pas, le couple qu’on a été. Un couple c’est la guerre. Tu verras quand tu seras amoureux.
Ça me fait drôle d’écrire ça, parce que quand je lève la tête du bureau, que je vais dans ta chambre et que je me penche vers le lit où je te respire, tout tiède dans ton pyjama à imprimé zèbre, c’est assez comique de t’imaginer amoureux. Pour l’instant tu ne l’es vraiment que de ton doudou à deux têtes et de la lanterne magique qu’elle a achetée avant ta naissance et qui projette sur les murs des poissons dorés ondulant dans le corail. Depuis les premiers jours de ta vie et jusqu’à aujourd’hui, ils dessinent sur ton visage des sourires à rendre heureux n’importe qui.
N’importe qui sauf elle, ta mère.
Suis-je cruel de jeter de tels pavés dans la mare du bonheur qu’on associe à une naissance ? Peut-être. Ne pas pleurer. Surtout ne pas pleurer. Ou je ne finirai jamais. Et je te dois bien ça, de finir.
Mais commençons, mon minuscule fils. Par l’événement le plus important de l’histoire, celui dont tout découle : ta naissance.
Souffrance fœtale
« On va le perdre ! »
C’est avec ce cri qu’elles m’ont réveillé. Révélant leur vraie nature dans une métamorphose terrifiante. Jusque-là, elles avaient été de bonnes fées autour du lit, prodiguant conseils, apaisement, et voilà qu’elles se changeaient en sinistres Parques, décidant que très vite, dans trois minutes peut-être, serait tranché le fil de ta vie, même pas dévidé.
« On va le perdre ! »
Des gamines en blouse blanche, une petite blonde et deux petites brunes, allure sage… Jusqu’au moment où elles ont muni leurs blanches mains d’ustensiles coupants. Oui, des Parques, lançant à qui voulait l’entendre, peut-être même toi, à un mètre de leur bouche, souffrant le martyre dans ton enveloppe utérine, au cœur des entrailles de ta mère :
Extraits
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