#Essais

Ecoblanchiment. Quand les 4x4 sauvent la planète

Jean-François Notebaert, Wilfrid Séjeau

En anglais, on parle de " greenwashing " ; en français, d'" écoblanchiment " : une technique de marketing consistant à donner une image écolo à une entreprise quelles que soient ses pratiques. C'est ainsi que Monsanto promeut des pesticides supposés protéger les plantes, que Renault vante une voiture " allégée en CO2 ", ou que le groupe Carrefour s'empare du vocabulaire de la décroissance. Les thèmes du développement durable gagnant en impact et en notoriété dans la société, les entreprises - mais aussi les politiques - usent et abusent de ce procédé trompeur. Les auteurs analysent les ressorts de cette imposture et pointent l'antinomie qui existe entre les logiques marchandes actuelles et les impératifs environnementaux. Ils montrent également comment la résistance s'organise, par l'interpellation citoyenne, le boycott, voire des attaques en justice.

Par Jean-François Notebaert, Wilfrid Séjeau
Chez Les Petits Matins

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NAISSANCE DE L’ÉCOBLANCHIMENT

 

 

Il y a peu encore, les discours écologistes provoquaient surtout des sourires en coin et des railleries faciles. Cette attitude persiste d’ailleurs dans certaines publicités, comme celle de Volkswagen qui caricature, non sans humour, des écologistes retournant à la vie préhistorique pour réduire leurs émissions de CO2.

Néanmoins, face aux scandales écologiques à répétition, la problématique environnementale a gagné du terrain. Le prix Nobel de la paix décerné conjointement en 2007 au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), qui a révélé la gravité du changement climatique en cours, et à Al Gore, pour son film Une vérité qui dérange, a montré de manière éclatante que l’écologie est devenue une question majeure de notre devenir.

Longtemps, le monde économique s’est peu soucié des impacts écologiques de la production ; le développement de produits « verts » demeurait cantonné à de petites niches pour consommateurs militants, qui devaient fournir de réels efforts pour effectuer des achats en cohérence avec leurs aspirations. Pour promouvoir leurs marques, les publicitaires mettaient essentiellement en avant le prix des produits, parfois leur qualité, leur caractère « tendance », leur authenticité, leur praticité, mais presque jamais la protection de l’environnement. Les mentalités ont évolué et, aujourd’hui, l’impact des achats sur l’environnement est devenu un élément important de la décision1.

Les fabricants de lessive sont probablement les premiers à avoir avancé, de façon timide, des arguments commerciaux écolos. Au début des années 1980, une publicité montrait un scientifique en blouse blanche dans un espace bucolique, qui disait : « Ce petit coin de nature est l’endroit idéal pour vous présenter le nouveau Le Chat machine. » Le Chat, appartenant au groupe Henkel, continue aujourd’hui d’utiliser l’argument écologique. Son slogan affirme : « L’écologie, c’est le moment d’en parler moins et d’en faire plus. » Et nous pouvons lire sur l’étiquette : « lessive écologique »… bien que l’emballage ne porte aucun label officiel. Alors, écolo, Le Chat ? Non ! Pour l’Observatoire indépendant de la publicité, « toute la mise en scène du produit laisse penser que ce dernier est écologique. Ce n’est pas le cas. Finalement, Le Chat n’aurait-il pas dû se taire ? Sans doute l’un des pires cas avérés de greenwashing. » Il est pourtant à noter que le Jury de déontologie publicitaire, qui statue sur les plaintes du public envers des publicités, a rejeté celle portée à l’encontre de cette marque le 16 juillet 20092.

L’argument écologique pouvant être utilisé sans risque, le thème de l’environnement et du développement durable dans les messages publicitaires ne cesse de progresser, comme l’indique le rapport d’étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) publié en septembre 20093. Il y est indiqué que, « d’année en année, le nombre de ces messages ne cesse de croître. En trois ans, il a plus que quintuplé » (entre 2006 et 2009). En effet, les arguments verts faisant vendre, ils sont largement utilisés. Aujourd’hui, 6 % des visuels diffusés usent de la thématique écologique. Or, selon l’Observatoire indépendant de la publicité4 et diverses ONG spécialisées dans la protection de l’environnement, nombre de publicités employant de tels arguments sont trompeuses pour le consommateur. D’où l’emploi du terme greenwashing, traduit en français par « écoblanchiment » : le procédé consiste à donner à une entreprise une image écolo, privilégiant un développement durable, alors qu’elle fabrique et/ou vend des produits polluants.

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19/03/2010 184 pages 18,00 €
Scannez le code barre 9782915879681
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