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Histoire de France
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Le 14 juillet 1914, la fête nationale fut célébrée comme à l’accoutumée par des défilés militaires. À Nancy, capitale de la Lorraine, c’est à un corps d’élite, le 20e corps d’armée, qu’il revint de remplir ce devoir de célébration. Ancienne capitale du duché de Lorraine, amputée d’une grande partie de son territoire en 1871, cette ville élégante s’étendait près de la nouvelle frontière allemande. En cas de guerre, la mission du 20e corps était de couvrir ce secteur de la frontière pendant que l’armée française se mobiliserait contre les forces menaçantes qui ne manqueraient pas de se masser de l’autre côté du Rhin. Depuis août 1913, le général Ferdinand Foch en était le commandant. Comme général divisionnaire, il avait atteint le plus haut grade de l’armée en 1911. Quand il aura fêté son soixante-troisième anniversaire le 2 octobre 1914, il se trouvera seulement à deux années de l’âge de la retraite. Jusque-là, il n’avait jamais commandé de troupes au combat. Comme la plus grande partie de sa carrière s’était déroulée à des postes d’état-major ou dans l’enseignement militaire, son expérience du commandement était mince.
Entre 1895 et 1901, il enseigna à Paris à l’École supérieure de guerre, publiant plus tard les cours qu’il y dispensa. Entre 1908 et 1911, il fut le commandant de l’École. À partir de là, les divers postes auxquels on le nomma le firent parcourir plusieurs régions militaires du pays (Nice, Chaumont, Bourges), avant d’arriver à Nancy en 1913. Foch devait la succession de ces postes – où il aurait pu se contenter d’attendre confortablement la retraite – au général Joseph Joffre. Ce dernier était devenu le chef d’état-major de l’armée en 1911, fonction qui, en cas de guerre, faisait automatiquement de lui le commandant en chef des armées françaises. Il connaissait Foch depuis longtemps et en appréciait les qualités.
Le nom de Foch figurait même dans la liste des candidats que Joffre proposa pour être son adjoint. Mais le ministre de la Guerre, Adolphe Messimy, s’opposa à ce choix et le général Noël de Curières de Castelnau fut nommé à sa place. Joffre chargea le colonel Maurice Gamelin (que l’on connaît mieux comme général de la Seconde Guerre mondiale), son confident et chef de cabinet militaire, d’expliquer à Foch pourquoi il n’avait pas été choisi. Gamelin a raconté comment Foch avait repoussé de la main ses explications pour aborder de front ce qui lui paraissait être le cœur de la question : comment déjouer le plan Schlieffen, qui prévoyait de contourner le flanc gauche de l’armée française par l’invasion de la Belgique. Foch conseilla à Gamelin de se souvenir : « Vous aurez à faire avec 35 corps, avec leur flanc droit à la mer. » Dès 1911, il songeait donc à l’avenir incertain.
Que les politiques se mêlent des désignations aux postes militaires n’était pas de nature à surprendre Foch. Bien qu’il se fût tenu à l’écart de l’affaire Dreyfus (au sujet de laquelle il avait eu la prudence de n’exprimer ouvertement aucune opinion), il avait souffert de discrimination politique lorsque, du fait des purges qui visaient les officiers trop ouvertement catholiques (et par conséquent supposés nourrir des sentiments antirépublicains), il avait été démis de son poste d’enseignant à l’École de guerre. En 1908, il s’était d’ailleurs préparé à subir le même traitement quand il avait été question de choisir le nouveau commandant de l’École. Mais Clemenceau, alors président du Conseil, avait montré à cette occasion – et cela ne devait pas être la dernière fois – à quel point il se souciait peu, dès lors qu’il s’agissait de fonctions importantes et influentes, des appartenances religieuses et des opinions politiques présumées des uns et des autres. C’est ainsi que, à sa grande surprise, Clemenceau l’avait nommé commandant de l’École supérieure de guerre.
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