#Essais

Foch, chef de guerre

Elizabeth Greenhalgh

A l'appui d'archives jusqu'alors non exploitées, mais aussi à partir des journaux et mémoires de contemporains, de lettres, Elizabeth Greenhalgh étudie la contribution de Foch à la victoire alliée en 1918, ses méthodes de commandement, ses relations avec les chefs militaires français et alliés et avec les hommes politiques. En 1914, Ferdinand Foch, maréchal de France, n'a jamais commandé de troupes sur le terrain et est à deux ans de la retraite. L'auteur s'attache donc à montrer comment la Première Guerre mondiale a forgé la personnalité et les compétences de celui qui devient le commandant en chef des forces alliées. Dans cette perspective, elle traite de la contribution d'un commandement unifié à la victoire des Alliés, du rôle d'un Etat-Major général, des mécanismes de commandement au niveau du corps et de l'armée. Son étude porte encore sur le rôle des niveaux intermédiaires de commandement, et celui des généraux, enfin, sur le rôle d'une coalition dans une guerre moderne et industrielle. Foch, chef de guerre est l'analyse détaillée de la carrière de Foch, de ses idées et de ses méthodes pendant la guerre, de la manière dont ses idées ont évolué tout au long de la guerre, jusqu'au poste de commandant en chef. Sont aussi apportées les réalités politiques de la paix - comment Foch a perdu la guerre (la question du Rhin) -, le rôle "diplomatique" de Foch et ses relations avec les chefs des armées alliées et les chefs politiques de cinq nations de la Première Guerre mondiale : Joffre, Pétain, Nivelle, Clemenceau, Poincaré, Pershing, Haig, Kitchener, Wilson... Cette étude pionnière prend la guerre de haut. L'étude des relations entre les chefs militaires alliées, détaillées, sont particulièrement éclairantes, de même que les relations avec les politiques, en particulier les relations avec Clemenceau. Salué par la critique à l'occasion de sa publication en anglais, ce livre dense offre une lecture très enrichissante et "neuve" de la Première Guerre mondiale.

Par Elizabeth Greenhalgh
Chez Editions Tallandier

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Histoire de France

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Le 14 juillet 1914, la fête nationale fut célébrée comme à l’accoutumée par des défilés militaires. À Nancy, capitale de la Lorraine, c’est à un corps d’élite, le 20e corps d’armée, qu’il revint de remplir ce devoir de célébration. Ancienne capitale du duché de Lorraine, amputée d’une grande partie de son territoire en 1871, cette ville élégante s’étendait près de la nouvelle frontière allemande. En cas de guerre, la mission du 20e corps était de couvrir ce secteur de la frontière pendant que l’armée française se mobiliserait contre les forces menaçantes qui ne manqueraient pas de se masser de l’autre côté du Rhin. Depuis août 1913, le général Ferdinand Foch en était le commandant. Comme général divisionnaire, il avait atteint le plus haut grade de l’armée en 1911. Quand il aura fêté son soixante-troisième anniversaire le 2 octobre 1914, il se trouvera seulement à deux années de l’âge de la retraite. Jusque-là, il n’avait jamais commandé de troupes au combat. Comme la plus grande partie de sa carrière s’était déroulée à des postes d’état-major ou dans l’enseignement militaire, son expérience du commandement était mince.

 

Entre 1895 et 1901, il enseigna à Paris à l’École supérieure de guerre, publiant plus tard les cours qu’il y dispensa. Entre 1908 et 1911, il fut le commandant de l’École. À partir de là, les divers postes auxquels on le nomma le firent parcourir plusieurs régions militaires du pays (Nice, Chaumont, Bourges), avant d’arriver à Nancy en 1913. Foch devait la succession de ces postes – où il aurait pu se contenter d’attendre confortablement la retraite – au général Joseph Joffre. Ce dernier était devenu le chef d’état-major de l’armée en 1911, fonction qui, en cas de guerre, faisait automatiquement de lui le commandant en chef des armées françaises. Il connaissait Foch depuis longtemps et en appréciait les qualités.

Le nom de Foch figurait même dans la liste des candidats que Joffre proposa pour être son adjoint. Mais le ministre de la Guerre, Adolphe Messimy, s’opposa à ce choix et le général Noël de Curières de Castelnau fut nommé à sa place. Joffre chargea le colonel Maurice Gamelin (que l’on connaît mieux comme général de la Seconde Guerre mondiale), son confident et chef de cabinet militaire, d’expliquer à Foch pourquoi il n’avait pas été choisi. Gamelin a raconté comment Foch avait repoussé de la main ses explications pour aborder de front ce qui lui paraissait être le cœur de la question : comment déjouer le plan Schlieffen, qui prévoyait de contourner le flanc gauche de l’armée française par l’invasion de la Belgique. Foch conseilla à Gamelin de se souvenir : « Vous aurez à faire avec 35 corps, avec leur flanc droit à la mer. » Dès 1911, il songeait donc à l’avenir incertain.

 

Que les politiques se mêlent des désignations aux postes militaires n’était pas de nature à surprendre Foch. Bien qu’il se fût tenu à l’écart de l’affaire Dreyfus (au sujet de laquelle il avait eu la prudence de n’exprimer ouvertement aucune opinion), il avait souffert de discrimination politique lorsque, du fait des purges qui visaient les officiers trop ouvertement catholiques (et par conséquent supposés nourrir des sentiments antirépublicains), il avait été démis de son poste d’enseignant à l’École de guerre. En 1908, il s’était d’ailleurs préparé à subir le même traitement quand il avait été question de choisir le nouveau commandant de l’École. Mais Clemenceau, alors président du Conseil, avait montré à cette occasion – et cela ne devait pas être la dernière fois – à quel point il se souciait peu, dès lors qu’il s’agissait de fonctions importantes et influentes, des appartenances religieuses et des opinions politiques présumées des uns et des autres. C’est ainsi que, à sa grande surprise, Clemenceau l’avait nommé commandant de l’École supérieure de guerre.

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trad. Simon Duran
26/09/2013 681 pages 29,90 €
Scannez le code barre 9791021002722
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