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Ennoblir et embellir. De l'architecture à l'urbanisme

Paul Claval

Il fut une époque, du XVe siècle au début du XXe, où les architectes avaient pour mission d'ennoblir les palais, les lieux de culte et les résidences des puissants en les embellissant. La maîtrise des projections mathématiques, et de la perspective qui en découle, donnait aux artistes et aux architectes un pouvoir nouveau ; l'idéal platonicien du beau faisait accepter par tous une grammaire universelle des formes. A partir du XVIIIe siècle, les conditions se transforment : la société s'urbanise, s'industrialise et devient plus mobile : l'esthétique d'inspiration platonicienne est critiquée ; le principe du beau est désormais recherché du côté de la raison ou de l'histoire. Un compromis incarné par Jacques-Nicolas-Louis Durand est imaginé à la jointure du XVIIIe et du XIXe siècle. Il concilie la volonté d'embellissement, dont entendent désormais bénéficier les classes moyennes, avec le souci d'efficacité fonctionnelle. Cette façon de concevoir l'aménagement des villes s'efface au début du XXe siècle, au moment où s'impose le terme d'urbanisme et le programme qu'il désigne : l'amélioration des conditions de vie de tous les citadins. L'art d'ennoblir pour embellir a cependant légué à l'urbanisme de tradition européenne un rêve : celui d'harmoniser les formes bâties.

Par Paul Claval
Chez Carnets de l'Info/Scrinéo

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Genre

Beaux arts

 

 

 

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Une nouvelle
ambition : ennoblir
et embellir les
cadres de vie

 

 

 

La Renaissance entraîne un bouleversement profond dans les pratiques de l’aménagement et de l’urbanisme. Au XVe siècle, les Médicis inventent une nouvelle stratégie pour légitimer leur pouvoir. Ils tirent leur autorité de la fréquentation des humanistes. Ils confient la mise en scène des cadres où se déroule leur vie à un personnage nouveau, l’artiste-architecte-ingénieur : sa connaissance de la géométrie, sa familiarité avec le dessin, sa maîtrise de techniques variées et son goût lui permettent aussi bien de fortifier une ville que d’édifier un palais ou d’organiser une fête. La manière dont il tire parti de la perspective et son respect pour les proportions des monuments antiques garantissent la qualité de ses réalisations. Tous les personnages importants imitent bientôt les Médicis : pour ennoblir leur existence, il font embellir les cadres où celle-ci se déroule. Cette mutation fait naître une nouvelle façon de dessiner les édifices, les places, les jardins, les quartiers ou les villes. Elle est à l’origine de l’urbanisme d’inspiration esthétique, dont Alberti est le premier théoricien.

Dès le XIIIe siècle, les peintres italiens cherchent à rendre sensible l’effet de fuite des objets saisis en perspective. Giotto (1266-1337) place les histoires qu’il illustre dans un cadre qui en souligne l’atmosphère et l’émotion. Les symboles qu’utilise le théâtre du temps, celui des mystères, lui suffisent : un rocher suggère la montagne, un arbre ou une fleur, la nature ; un édicule ouvert sur deux de ses faces (ce qui permet de saisir ce qui se passe à l’intérieur) évoque tout ce qui est bâti.

Cet édicule pose bien des problèmes aux artistes : comment lui donner du volume ? Il suffit de faire converger les parallèles vers des points de fuite, comme on le découvre peu à peu. Mais combien en faut-il ? Où convient-il de les situer ? Le rôle de la ligne d’horizon n’est pas encore compris.

Au XIVe siècle, les Siennois, Ambrogio Lorenzetti (1305-1348) par exemple, aiment figurer des paysages réels à l’arrière-plan des scènes qu’ils représentent. Les techniques progressent, mais pour franchir le pas décisif, il manque une base de géométrie projective. La traduction de Ptolémée la fournit (Edgerton, 1975).

La perspective linéaire nous semble aller de soi. Il faut cependant attendre le XVe siècle pour qu’elle s’impose, alors que les connaissances géométriques qu’elle implique sont maîtrisées depuis Euclide. Au cours du XIVe siècle, les peintres se montrent de plus en plus soucieux de donner de la profondeur aux scènes qu’ils représentent. Léon Battista Alberti a pourtant raison de placer la perspective linéaire en tête des procédés qui caractérisent le renouveau artistique : depuis la rédaction de Della pittura en 1435, tout le monde s’accorde avec lui sur ce point.

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22/09/2011 294 pages 19,00 €
Scannez le code barre 9782362670176
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