Walter Scott et les enluminures de l’histoire
Sir Walter Scott est un homme de génie
Victor Hugo
La fiction romanesque ne commence pas avec le roman au sens moderne du terme. Elle va chercher ses origines dans la lointaine Antiquité, babylonienne (Gilgamesh), égyptienne (Sinouhé), biblique (Esther, Judith, Daniel), grecque (Longus, Lucien), romaine (Pétrone, Apulée). Les fictions romanesques d’origine celtique, dont les sujets viennent d’un passé brumeux (Tristan et Yseult, La geste de la Table Ronde), les sagas nordiques en prose évoquant les anciens Vikings ont, elles aussi, préparé le terrain à un genre dont les premiers balbutiements apparaissent au XVIIe siècle.
L’histoire s’y trouve au premier plan, qui se plonge d’abord dans l’Antiquité : le premier roman français, L’Astrée, d’Honoré d’Urfé (publié entre 1607 et 1627), se passe au ve siècle, dans une Gaule idéalisée, sur les bords du Lignon. Son héros, Céladon, est le premier représentant de ce néo-platonisme mis à la mode par Dante et Pétrarque, qui a transformé l’amour courtois du Moyen Âge en un élan vers le Beau et le Bien. Seul le cadre gaulois et druidique évoque l’histoire.
Celle-ci prendra de l’importance dans L’Ariane de Desmarets de Saint-Sorlin (1632), dont l’héroïne est une contemporaine de Néron. La Cassandre de La Calprenède (roman homonyme, dix volumes entre 1642 et 1645) vit à l’époque d’Alexandre, sa Cléopâtre (roman homonyme, 1647) est Cléopâtre Séléné, la fille de la célèbre reine, qui a épousé Juba II, roi de Maurétanie. Mais on devine derrière Alexandre un souverain contemporain courtois et galant, habitué des salons des Précieuses, et derrière Juba II, le prince de Condé. C’est dans Clélie,histoire romaine de Mlle de Scudéry (1654-1660) que figure la fameuse carte du Tendre, preuve, s’il en était besoin, que ce type de littérature, comme la tragédie classique, ne s’intéresse au passé, antique ou médiéval, que pour mieux peindre le présent.
Quelques changements au XVIIIe siècle : le goût de l’histoire donne naissance à des Mémoires qui se multiplient et dont quelques-uns sont de véritables romans. Mais l’Antiquité et le Moyen Âge sont abandonnés pour des périodes plus proches et donc plus faciles à décrire. La fiction historique elle-même, souvent jugée trop floue, voit les personnages célèbres délaissés au profit de héros de plus humble origine et dont la description et les aventures seront moins sujettes à l’erreur. Les grands écrivains du siècle suivant, Scott, Dumas, Hugo, Sue ne feront pas autre chose. L’Antiquité qu’on y peint vacille parfois, comme dans le Voyagedu jeune Anacharsis en Grèce dans le milieu du quatrième siècle avantl’ère vulgaire (1757-1788) de l’abbé Barthélemy, sous le poids d’une érudition mal digérée, à peine mieux assimilée dans les Voyages d’Antenor en Grèce et en Asie (1798) d’Etienne-François de Lantier.
Extraits
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