#Roman francophone

Les hommes de l'aéropostale

Germain Chambost

En 1927, en un temps où chaque vol était une aventure à haut risque, quelques hommes qui n'avaient pas froid aux yeux lancèrent une ligne aérienne dont le but était de transporter le courrier depuis la France vers le Sud - jusqu'en Afrique d'abord, puis jusqu'en Amérique du Sud. Trente-deux millions de lettres furent ainsi transportées grâce à eux pour la seule année 1930. Victime de son succès, mais aussi d'un "lâchage" diront certains, l'Aéropostale est mise en liquidation en 1933, puis fondue au sein d'Air France, qui la possédera jusqu'en 2000. Est-ce par ce qu'un de ses pilotes s'appelait Antoine de Saint-Exupéry ? Est-ce parce que le grand Mermoz en fut un pionnier ? Ou parce que Guillaumet l'a hissée au rang d'expérience surhumaine ? C'est pour toutes ces raisons à la fois que l'Aéropostale est passée de l'histoire au mythe. Mais la gloire des héros a fini par effacer la réalité de l'aventure. Ce recueil de souvenirs rend la parole aux témoins, à ceux qui ont vécu l'Aéropostale depuis sa naissance jusqu'à sa disparition au sein d'Air France. Pilotes, radionavigateurs, mécaniciens, chefs de station… Ils racontent les exploits, les accidents, les folies, les heures sombres, les haines, mais aussi les rencontres inoubliables et les images grandioses.

Par Germain Chambost
Chez Presses de la Cité

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Genre

Littérature française

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Une part importante de la légende de l’Aéropostale tient à la personnalité de celui qui en fut le pilote emblématique, puis le chef pilote : Jean Mermoz. Né en 1901, pilote militaire, notamment en Syrie, puis pilote sans emploi, avant d’être embauché par les Lignes aériennes Latécoère, Mermoz avait tout pour séduire le public, notamment féminin, et les journalistes. Sa stature et sa beauté, ses exceptionnelles qualités de pilote, sa virtuosité, sans oublier naturellement ses exploits, contribuèrent à donner de lui une image hors du commun. Cependant, avant d’être celui que l’on surnommait l’Archange, Jean Mermoz avait connu des épisodes moins glorieux, traversé de rudes périodes de chômage et de petits boulots. Il tenait à le rappeler, à se citer en exemple pour encourager ses jeunes camarades qui briguaient une place dans la phalange des équipages de la Ligne.

 

Dans Mes vols, il rappelle aussi comment il vécut l’épreuve de son engagement à la compagnie Latécoère, sous le regard impitoyable de Didier Daurat.

Un soir de l’été 1923, il passe pour la dernière fois les grilles de la caserne de Thionville, où est cantonné le 1er régiment de chasse auquel il appartient. Il y a lié connaissance avec un autre pilote, qui lui aussi se « fera un nom » : Henri Guillaumet. Le voilà civil. « J’étais heureux. J’allais vivre enfin » écrit-il...

Vivre. C’est-à-dire piloter. Je ne me posais pas de questions. C’était un fait. Je ne concevais l’existence qu’aérienne.

Depuis le jour où, soldat adolescent, j’avais emmené une machine volante loin de la terre et su m’en servir, j’avais ça dans les doigts, dans la peau. Je n’y pouvais rien. J’étais né à ma vie véritable dans une carlingue. Je devais continuer.

Ma certitude n’était mélangée d’aucun souci. Des lignes aériennes toutes neuves s’ouvraient alors – vers Londres, l’Europe centrale, le Maroc et l’Orient. Des usines se montaient. Pilote d’essai, pilote de ligne – les places étaient toutes chaudes à prendre. J’en aurais une sitôt débarqué dans la grande ville. Je n’y connaissais personne – absolument. Qu’importait !

Je pensais à mes six cents heures de vol, à mes citations, à mes vingt et un ans. Qui pouvaient-ils trouver de mieux ? Et puis, j’avais tant de force, une telle ardeur ! Jamais compartiment de troisième ne berça une plus sûre espérance.

Je louai une chambre dans un meublé sinistre de la rue Réaumur. Mon premier achat fut un annuaire de l’aviation civile et commerciale.

Et j’écrivis, j’écrivis, j’écrivis. Tous les constructeurs, tous les directeurs et sous-directeurs des terrains, des usines, tous les chefs et sous-chefs pilotes, tous les noms des lignes aériennes y passèrent. À chacun, j’exposai fort poliment, mais non sans fierté, mes états de service et mon désir impatient de voler. Puis, j’attendis.

J’attendis en compagnie d’une amie qui aimait beaucoup les bals musettes. Nous y consacrions le peu d’argent qui me restait et celui qu’elle gagnait. J’avais toujours ma lavallière et mon gigantesque chapeau noir. Les danseurs des endroits que nous fréquentions les trouvaient ridicules. Je n’étais pas patient. Il y eut de terribles bagarres. Heureusement, j’étais fort et agile.

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06/06/2013 775 pages 27,00 €
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