#Roman francophone

Les saisons et les jours

Caroline Miller

Un classique américain méconnu, prix Pulitzer en 1934. " Le plus grand livre sur le Sud et ses habitants ", dixit Margaret Mitchell, paru juste avant Autant en emporte le vent, dont il est en quelque sorte le pendant, Les Saisons et les jours ont connu un succès énorme aux Etats-Unis où il est aujourd'hui étudié dans les écoles. " Le plus grand livre sur le Sud et ses habitants. " Margaret Mitchell, Autant en emporte le vent Porté par la grâce de son écriture, un roman naturaliste d'une grande beauté, hymne à la vie pastorale, au courage d'une mère, à la patience et à la foi irréductible de ces fermiers blancs du Vieux Sud, trop pauvres pour posséder leur terre ; une oeuvre poétique et bouleversante, rythmée par les naissances, les saisons, les drames et les joies. Prix Pulitzer 1934, Les Saisons et les jours ont connu un succès colossal aux Etats-Unis, avec pas moins de trente-sept réimpressions de la première édition. Paru en France en 1935, ce livre culte est à redécouvrir. prix Pulitzer en 1934

Par Caroline Miller
Chez Belfond

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Editeur

Belfond

Genre

XXe siècle

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CEAN SE RETOURNA pour agiter brièvement la main pendant que s’éloignait la carriole tirée par un bœuf, dans laquelle elle était assise à côté de Lonzo. Devant la maison, sa mère, son père, Jasper et Lias la regardaient partir. L’ancien qui avait marié Cean et Lonzo était resté à l’intérieur afin de laisser la famille prendre congé de la jeune femme. Seul Jake, le benjamin, n’était pas là ; il s’était enfui, son visage étroit convulsé de chagrin. Il avait appelé la pire malédiction sur la tête de Lonzo Smith. À présent, il était allongé à plat ventre dans le sable, sous un saule bourgeonnant, au bord de la rivière qui coulait à trois kilomètres de la maison paternelle. Pris d’un espoir diabolique, il imaginait des vers rouges en train de se faufiler dans les oreilles de Lonzo Smith. Une fois leurs têtes cornues et leurs queues poilues devenues bien grosses, ils lui dévoreraient les boyaux. Sauf que Cean ne le supporterait pas ; elle préparerait toutes sortes de tisanes pour le guérir. On ne pouvait rien y changer. Cean s’était décidée ; comme on fait son lit, on se couche. D’ailleurs, elle ne savait même pas qu’il était malheureux. Elle n’était plus sa sœur ; elle appartenait à Lonzo. Désormais, elle dormirait dans le lit de Lonzo, et plus jamais dans celui de Jake. À cette idée, l’enfant eut le souffle coupé et faillit s’étrangler de désespoir. Car, en fermant les yeux, il sentait le corps de Cean qui réchauffait le sien sous les couvertures. Elle avait une façon bien à elle de lui caler la tête au creux de son épaule, de remonter les jambes de son frère contre les siennes d’une main fine et robuste, et ils dormaient ainsi, imbriqués l’un dans l’autre. Pendant la nuit, ils se retournaient parfois et alors l’enfant frêle se lovait contre la courbe protectrice que formait le dos de sa sœur.

En ouvrant les yeux, il observa dans le sable blanc de petites collines et des vallées grossies par la proximité. Au-dessus de lui, les branches du saule se soulevaient et retombaient, agitées par le vent de la rivière. Jake souffla sur le monticule de sable qui se trouvait juste devant sa bouche et qui s’effondra mollement. Il allait retourner là-bas pour sortir les veaux. Comme les autres s’y attendaient.

Cean et Lonzo se heurtaient doucement, secoués par le rythme lent que le bœuf imprimait à la charrette aux roues en bois. Pour gagner leur nouvelle maison, il fallait traverser la forêt, contourner le grand marais aux cyprès chauves, passer un petit ruisseau, et monter une pente bordée d’airelles, où les serpents à sonnette sortaient par temps chaud. Plus loin, on apercevait de grands arbres et de belles prairies ; et là, environ dix kilomètres à l’ouest de chez sa mère, Lonzo avait bâti la maison de Cean, avec une large cheminée cimentée d’argile. Sur le côté, il y avait une source abritée sous un bosquet de sureaux et de lauriers ; un jeune figuier, des boutures de rosiers grimpants et une plate-bande d’œillets commençaient à prendre racine à la porte de derrière, là où la mère de Cean les avait plantés. Lonzo avait abattu tous les arbres pour construire la maison, et les frères de Cean l’avaient aidé à les assembler à tenons et à mortaises et à renforcer les murs déjà solides avec de lourdes planches provenant du  cœur de pins. Ils avaient clôturé l’enclos à bétail et Betsey s’y trouvait maintenant avec son petit veau tacheté qui la serrait de près. Dès qu’il aurait terminé les semailles, Lonzo installerait au-dessus de la source un garde-manger pour que Cean y conserve lait et beurre au frais ; et, à la fin de l’été, les frères de Cean l’aideraient à bâtir un séchoir pour y stocker le maïs qu’il planterait, du maïs qui leur fournirait farine et bouillie, et servirait à nourrir le bœuf. Courges, pois, pommes de terre, melons – leurs champs en seraient couverts et ils pousseraient bien. Cean les arroserait et s’en occuperait. Sa mère l’avait avertie : aux femmes les fruits, le potager, le lait, le beurre et les enfants ; aux hommes l’élevage et l’abattage des animaux, les semailles et la moisson.

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trad. Michèle Valencia
24/03/2022 437 pages 14,00 €
Scannez le code barre 9782714498182
9782714498182
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