#Roman étranger

L'espoir, cette tragédie

Shalom Auslander

Encore plus iconoclaste, provocateur et hilarant, le grand retour de Shalom Auslander. Entre Woody Allen, Philip Roth et Franz Kafka, un régal de drôlerie et de profondeur sur la légitimité de l'art après l'Holocauste, le devoir de mémoire et les ravages causés dans le monde par l'espoir, cette tragédie. Calme et sérénité, c'est tout ce que Solomon Kugel espérait trouver en s'installant avec mère, épouse et enfant dans cette vieille bâtisse perdue en pleine campagne. Raté ! Car allez trouver la paix quand votre femme vous accable de reproches, que votre mère vous bassine avec la Shoah qu'elle-même n'a pas vécue, et qu'un pyromane sévit dans la région. Mais ce qui pourrait bien achever de vous rendre fou, ce sont ces bruits incessants au grenier. Alors, n'écoutant que votre courage, vous vous décidez à monter et vous découvrez là une bien étrange créature. Une très vieille femme très en colère, une icône que le monde entier pensait morte depuis long-temps. Une héroïne de l'Histoire bien décidée à rétablir sa vérité...

Par Shalom Auslander
Chez Belfond

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Editeur

Belfond

Genre

Littérature étrangère

1

 

 

 

 

LE PLUS DRÔLE C’EST QUE CE N’EST MÊME PAS LE FEU QUI TUE, mais la fumée.

Vous tambourinez aux fenêtres, grimpant toujours plus haut dans votre maison en feu, afin de vous sortir de là, de sortir tout court, espérant pouvoir échapper aux flammes, survivre peut-être à l’incendie, mais pendant tout ce temps vous suffoquez lentement, vos poumons se remplissent de fumée. Vous guettez un danger qui vient d’ailleurs, de l’extérieur, alors que la menace est là, en vous, et vous mourez asphyxié.

Vous achetez une arme de poing – pour vous protéger, dites-vous – et le soir même vous êtes terrassé par une crise cardiaque.

Vous installez de nouvelles serrures sur vos portes, des grilles à vos fenêtres, des barrières autour de votre maison, et puis le médecin téléphone : C’est un cancer.

En tentant désespérément de remonter à la surface pour échapper à un requin qui vous poursuit, vous êtes victime du malaise du plongeur et vous vous noyez.

Par un jour de l’an ensoleillé, vous décidez de vous reprendre en main. C’est cette année ou jamais, proclamez-vous. Un nouveau départ. Une nouvelle vie. Un autre soi-même, plus fort, plus résistant. Le lendemain matin, au club de gym, vous entamez votre troisième série de développés-couchés, et là vos muscles lâchent, la barre des poids s’abat sur votre cou et vous écrase le larynx. Impossible de crier au secours. Votre visage vire au bleu. Vos bras faiblissent. Et devant vous, une affiche sur le mur avec les derniers mots que vous lirez avant que vos yeux se ferment et qu’une obscurité éternelle vous enveloppe : Brûlez donc tout ça.

Si c’est pas drôle, ça ?

 

 

 

 

 

2

 

 

ALLONGÉ DANS SON LIT, Solomon Kugel pensait à la mort par suffocation dans une maison en feu. Et tout ça parce qu’il était optimiste. Ou du moins était-ce l’avis de son cher mentor et conseiller, le professeur Jovia. Selon lui, Kugel voulait si désespérément que tout aille bien qu’il ne pouvait s’empêcher d’imaginer le pire. L’espoir, estimait le professeur Jovia, était le principal point faible de Solomon Kugel.

Kugel avait décidé de changer. Ce ne serait pas facile, mais il espérait y arriver.

Immobile, il contemplait le plafond au-dessus de lui, l’oreille aux aguets.

Il avait entendu quelque chose. Aucun doute là-dessus.

Là-haut. Au grenier.

Qu’est-ce que c’était ? Un grattement ?

Un battement ?

Un tap-tap-tapement, plutôt.

Si, depuis le fond de son lit, Solomon Kugel pensait à la perspective de périr étouffé dans les flammes, c’était aussi parce que depuis quelque temps quelqu’un mettait le feu aux fermes du coin. Exactement le genre de celle que sa femme et lui venaient d’acheter. Cette vague d’incendies criminels avait commencé un mois et demi après leur emménagement et trois maisons avaient déjà brûlé. Le chef de la police de Stockton jurait qu’il attraperait le responsable, quel qu’il soit, et Kugel lui faisait confiance. Mais, depuis que la première ferme avait été engloutie par les flammes, il n’avait pas fermé l’œil.

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trad. Bernard Cohen
10/01/2013 326 pages 20,00 €
Scannez le code barre 9782714453020
9782714453020
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